Pablo BELLOSTAS

29 ans, ingénieur

 

Marcel et Germaine Cazalet, Justes parmi les Nations, vivaient pendant la 2nde Guerre Mondiale dans le village de Villefranche de Rouergue dans l’Aveyron.

Marcel Cazalet était directeur d’une coopérative agricole (La Rouergate) qui servait de couverture à des opérations de résistance : ravitaillement des maquisards, emploi de réfugiés sous de fausses identités, sauvetage d’enfants juifs ...

C’est ainsi qu’il plaça plusieurs dizaines d’enfants dans les couvents des alentours et alla même jusqu'à en garder sous son propre toit, tout cela dans le but de les protéger des arrestations de la Gestapo.

Cela mit plusieurs fois sa vie en danger. Lui-même échappa de peu à plusieurs arrestations et Germaine, alors enceinte, fut emprisonnée pendant plusieurs mois.

Marcel et Germaine restaient toujours très discrets sur leurs activités, à tel point que le plus souvent, les personnes sauvées et même leurs propres enfants n’en connaissaient pas l’existence.

C’est donc sur le témoignage de Rose Roth, jeune fille cachée chez Marcel et Germaine, qu’ils ont été reconnus Justes, et grâce à elles nous pouvons aujourd’hui retracer en partie ce qu’ils ont fait.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Afin de rendre hommage à mes grands-parents et visiter Israël.

 

 

Céline PRUD'HOMME

25 ans, Etudiante en communication

  

Edouard et Thérèse Payen ont été reconnus Justes en fin d'année 2013 pour avoir hébergé des Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ce sont, par rapport à moi, mes arrière-grands-parents, parents de mon grand-père du côté de ma mère. C'était une famille de 8 enfants. Ils ont, sur plusieurs années hébergé un certain nombre de Juifs et de famille juives.

 

La première famille ayant été hébergée par les Payen, était un jeune couple avec un bébé. Ils sont arrivés chez les Payen par le biais d'une de leurs filles, infirmière travaillant à la Croix-Rouge. C'est donc la Croix-Rouge qui a demandé à ma grande -tante si elle connaissait des gens qui pourraient loger des réfugiés juifs traqués. Mes arrière-grands-parents, après discussion, ont accepté d'héberger cette famille. Ils sont restés quelques semaines avant de partir pour la Suisse, pleins d'espoir. Malgré les promesses de donner des nouvelles, la famille n'en a jamais reçu. Ils ont donc supposé que la famille avait été prise dans des rafles, très fréquentes, juste après leur départ.

 

La seconde famille à avoir été accueillie par la famille Payen est la famille Kelner, cette fois-ci pour une longue période. Ils avaient deux enfants peu présents dans l'appartement, ils étaient majoritairement abrités à la campagne. Le grenier avait été aménagé pour accueillir au mieux le couple. Le mari étant tailleur, une pièce lui avait été aménagée pour qu'il puisse continuer à travailler. Il a même réalisé quelques vêtements pour mes grandes-tantes et mes grands-oncles. Durant ces nombreuses années, il était compliqué de rester discret et inaperçu. De plus, le fils de la concierge faisait partie de la Milice, ce qui compliquait la situation. Un arrangement s'est donc instauré suivant lequel le tailleur a créé de nombreuses pièces vestimentaires pour la concierge contre son silence. Il est important de noter que les voisins ont de leur côté aussi suivi la loi du silence pendant ces années. Les descendants de la famille Kelner étaient présents lors de la cérémonie des Justes, ce qui était fort émouvant.

 

Voilà donc l'histoire d'Edouard et Thérèse Payen avec ces familles juives. Ils ont hébergé d'autres personnes et familles, mais ce pour de courtes durées et il n'a pas été possible de retrouver les noms de ces différentes personnes.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Afin de découvrir YAD VASHEM et j'ai toujours été attirée par ce pays.

 

 

Séverine DARCQUE

31 ans, Institutrice 

 

Pierrette Pauchard née Guyard est une femme qui compte à plusieurs titres dans ma vie et dans mon cœur. Depuis mon plus jeune âge, j’entends parler de cette femme au grand cœur, de sa générosité et de son courage. Ce n’est qu’en grandissant que j’ai vraiment compris ce qu’elle avait fait, quel courage elle avait eu pour sauver cinq enfants juifs de la barbarie nazie.

 

Elle est mon arrière-grand-mère nourricière. Ma grand-mère Colette a été adoptée et est l’un des enfants sauvés par celle qu’elle appelle encore aujourd’hui sa « maman ».

 

Née en 1876 au cœur d’une grande famille de onze enfants, Pierrette Pauchard devient femme de cultivateur galvacher (paysan qui se louait avec ses bœufs pour le charroi) et vit dans un hameau du Morvan au cœur de la Bourgogne où ils élèvent leurs trois enfants.

 

Leur vie est simple et sommaire. Pour améliorer le quotidien, comme de nombreuses femmes du Morvan, Pierrette devient nourrice à Paris, avant la Première Guerre Mondiale. De même, comme c’est la tradition dans le Morvan, mais aussi par conviction et en complément de revenus, le couple demande, vers 1930, à accueillir un enfant de l’Assistance Publique. Les parents de Pierrette avaient déjà accueilli un garçon. Tout au long de sa vie, les enfants ont beaucoup compté pour elle. Elle aimait en être entourée et pour elle la famille comptait énormément.

 

Son mari décède en 1933 et deux ans plus tard, l’Assistance Publique lui confie Colette Morgenbesser. Sur son livret, il est écrit qu’elle a été abandonnée et reconnue par sa mère biologique, une fille-mère juive polonaise. Dès lors mon histoire est liée à celle de cette femme puisque Colette est ma grand-mère.

 

La famille Pauchard accueille également pendant l’été des enfants en vacances. Fait du hasard ou simple coïncidence, ces petits Parisiens sont souvent des enfants juifs. Les enfants accueillis, qu’ils soient en vacances ou de l’Assistance Publique, sont très vite acceptés dans la famille. Colette devient la fille de Pierrette, la petite sœur de Marcel, Léontine et Lucienne.

 

Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, Pierrette Pauchard fait preuve de courage et se range du côté de la Résistance, à sa manière : elle conduit les jeunes aux maquis la nuit, en cache dans sa grange, leur fait à manger… et ce malgré la présence de soldats allemands dans le hameau. Plusieurs fois, Colette se rappelle avoir eu peur, avoir couru et crié après sa mère alors qu’il aurait fallu être discrète. Mais seul le courage de Pierrette parle, elle semble n’avoir peur de rien. Elle qui avait perdu 3 frères pendant la Première Guerre, savait bien où était son devoir.

 

Au cours de l’été 1942, les enfants Frydman arrivent à Athez sans avoir annoncé leur venue, seuls et terrorisés, en disant que leurs parents doivent les rejoindre dans quelques semaines. Pierrette, alors à table avec l’une de ses sœurs, accueille les quatre enfants à bras ouverts et les rassure malgré les protestations de sa sœur. Rien ni personne ne la fait changer d’avis, ce sont ses « gamins » et elle les aime comme ses propres enfants.

 

Dès lors, Bernard, Hélène, Ida et Suzanne font partie de la famille. Les filles aident Pierrette dans les tâches ménagères et Bernard, le plus jeune, né en 1933, fait sa rentrée à l’école d’Athez sous le pseudonyme de Bernard Petit. Étant du même âge que Colette, tous les deux sont restés très liés et encore aujourd’hui, malgré les kilomètres qui les séparent, ils continuent à correspondre régulièrement.

 

Pierrette doit aussi faire face à des dénonciations voire des procès mais ne change pas d’avis pour autant et décide de garder les enfants auprès d’elle. Certains la soutiennent, l’aident … C’est le cas du docteur Roy, médecin et maire de l’époque. Au courant de la situation, et pour protéger la famille, il n’hésite pas à brûler certains papiers. Le livret de l’Assistance Publique de Colette, qui portait la mention « Juive » en gros caractères, est détruit. Cet acte, quelques années après empêchera le renouvellement des papiers d’identité de Colette pendant plus de 10 ans.

 

Des membres de la famille, des voisins, font de même en donnant un peu de travail ou de vivres. Certains vont même lui conseiller de cacher les enfants. Quelqu’un qui travaille à la Kommandantur d’Autun la tient au courant de la situation, à la fois pour protéger les enfants mais aussi pour aider les maquisards. Pierrette redouble alors de vigilance pour protéger les enfants lorsque l’on apprend que les parents Frydman ont été dénoncés et sont morts en déportation.

 

A la Libération, les cinq enfants sont en vie et peuvent enfin profiter de leur liberté. Finalement, les enfants Frydman partiront quelques mois après aux Etats-Unis où un oncle les accueille. Dès lors, ils vont y poursuivre leur vie, s’y marier, bâtir une famille.

 

Pierrette décède quelques années plus tard en 1951. Mais les enfants n’ont jamais oublié le Morvan et la « maman Pierrette ». Dès qu’ils le peuvent, ils vont faire un tour dans le Morvan, retrouver Athez.

 

Colette n’a jamais quitté la famille Guyard-Pauchard, et une fois mariée, elle achète même une maison à Athez. Je me souviens y avoir passé mes plus belles vacances où c’était l’occasion de réunir la famille. Car même si la famille Pauchard est officiellement ma famille nourricière, c’est avant tout une vraie famille de cœur.

 

En 2010, Colette, ma grand-mère décide de remercier sa « maman » à sa manière en demandant qu’elle reçoive le titre de Juste parmi les Nations à titre posthume. Dès lors, une grande aventure familiale commence pour réunir les documents, constituer le dossier. Lorsqu’elle m’a demandé de l’aide, j’ai participé à ces préparatifs avec passion. C’était un devoir, mais aussi une manière de lui dire un grand « MERCI ! ».

 

A Anost, village du Morvan et berceau de la famille, la médaille des Justes parmi les Nations est remise à titre posthume à Pierrette Pauchard, née Guyard, le 28 octobre 2012, représentée par l'un de ses petits-enfants André Pauchard et par sa fille adoptive Colette Morgenbesser épouse Gréteil.

En juillet 2013, la famille souhaite remettre la médaille et le diplôme au Musée de la Résistance de St-Brisson en Bourgogne. Le courage, le dévouement et l’acte de résistance de Pierrette Pauchard n’est plus simplement une reconnaissance et une fierté familiale ou locale mais appartient désormais à l’Histoire régionale du Morvan, avec un grand«H ».

 

Pierrette Pauchard a fait preuve de solidarité, de courage mais aussi d’amour en ouvrant les portes de sa maison et de son cœur à ces 5 enfants. Elle a risqué sa vie pour celles et ceux qu’elle considérait comme les siens, malgré le danger. Elle leur a permis de survivre, de grandir, puis de vivre leur vie. Et pour toute la famille, elle reste un modèle de bonté, de dévouement et de générosité. Son acte de résistance et son courage sont pour nous tous un modèle et une fierté.

 

Je suis fière de faire partie de cette grande famille : je lui dois la vie ! En sauvant ma grand-mère, elle a permis à Colette de fonder une famille, et sans elle je ne serais pas là aujourd’hui.

 

Participer à ce voyage me permet de réunir des valeurs familiales mais aussi personnelles.

 

Avant d’être enseignante, j’ai fait des études d’Histoire. Si je ne devais retenir qu’une chose de mes lectures universitaires c’est que nous ne devons pas oublier ces anonymes qui ont sauvé et construit nos vies actuelles en ne se laissant guider que par leur courage et leur amour. Alors nous ne pouvons pas, nous ne devons pas oublier le passé, mais nous devons l’utiliser pour avancer et éviter au monde de revivre des drames tels que celui de la Shoah !

 

Pour cela, mon souhait le plus cher aujourd’hui, en tant que descendante de Juste et de Rescapée, c’est que l’on n’oublie pas ce que Pierrette Pauchard, comme de nombreux hommes et femmes de son époque, ont fait pour des êtres humains innocents, qui étaient simplement d’une origine ou d’une confession religieuse différente. N’oublions pas ces héros simples qui, à leur époque, ont juste eu le sentiment de faire ce qu’ils avaient à faire, sans chercher de récompense. Et même si la Shoah est un épisode dramatique de notre Histoire, il ne faut pas hésiter à en parler, à transmettre aux générations futures cette mémoire douloureuse ; mais aussi la générosité, le courage et la détermination de ceux et celles qui ont risqué leurs vies pour que des enfants, des femmes et des hommes puissent survivre.

 

En participant à ce voyage, je veux aussi rendre un hommage personnel à Pierrette Pauchard qui m’a permis de voir le jour en accueillant et en sauvant ma grand-mère.

 

C’est aussi pour cette dernière que je le fais. Depuis que je suis jeune, elle m’a transmis son histoire, son arrivée dans le Morvan, l’histoire de sa famille, les valeurs et sa fierté de faire partie de la famille Guyard-Pauchard. J’ai la chance d’avoir une « mamy » comme elle et c’est avec plaisir et honneur que j’ai accepté la proposition.

 

J’ai aussi une pensée pour Bernard Frydman. Pour des raisons de santé, il n’a pas pu être présent aux différentes cérémonies mais je sais qu’il était de tout cœur avec nous, suivant chacune des étapes et participant activement par le récit d’anecdotes du quotidien dès qu’il le pouvait. Il est touché aujourd’hui que je puisse transmettre une partie de son histoire et que le courage de sa « maman » de cœur soit reconnu.

 

Je ne porte ni le nom de Guyard (nom de jeune fille de Pierrette), ni le nom de Pauchard mais quoi qu’il arrive, cette famille est la mienne. La reconnaissance de Pierrette Pauchard en tant que Juste parmi les Nations n’a fait que souligner et renforcer l’unité de cette belle et grande famille.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Je suis doublement intéressée car je suis en Licence d'Histoire.

 

 

Estelle LECOMTE

20 ans, Etudiante en langue des signes

 

Tout a commencé pour moi il y a un peu plus d’un an, Noël 2012.

 

Toute la famille était réunie chez mes grands-parents paternels, Guy et Thérèse Lecomte, pour les fêtes, et dans les derniers soirs, Paby, mon grand-père, a évoqué une certaine remise de médaille de Juste en juin, pour ses parents. Cette histoire était très floue pour moi, je ne me rappelais pas avoir bien parlé de tout cela en famille, et j’ai tout simplement demandé si nous, les petits-enfants étions conviés à cette cérémonie. C’était bien sûr le cas, et tout de suite, j’ai voulu y participer, entraîner mes cousins, mes frères et sœurs ! C’était vraiment l’occasion de nous retrouver, en quelque sorte « autour » de nos arrière-grands-parents, à qui nous devons notre existence… Une occasion de les remercier, de nous rappeler d’eux… Mais je voulais aussi éclairer un peu tout cela dans ma tête, savoir plus précisément le rôle joué par mes arrière-grands-parents, les faits etc., et j’ai alors commencé à poser des questions à mon grand-père, m’informer… Pour ne pas arriver à la cérémonie « en touriste ».

Il se trouve que j’ai été finalement la seule petite-fille disponible pour pouvoir assister à cette cérémonie de remise de médaille des Justes. Nous nous sommes donc retrouvés à Reims, le 5 juin 2013, avec mes oncles et tante, et mes grands-parents. Nous avons été accueillis comme des rois par la famille Grosman, Ginette et Henri, les 2 « petits enfants » sauvés, et aujourd’hui, je peux dire que c’est vraiment à leur contact que j’ai petit à petit réalisé tout ce qui était en train de se passer… Durant la cérémonie, en écoutant les différents témoignages, en écoutant mon grand-père, j’ai pensé à ces arrière-grands-parents que je n’ai jamais connus. Quel courage… quelle folie. Mais quelle belle folie ! La Vie sans folie ne tiendrait pas, et en voici la preuve !

 

En sortant de la cérémonie, je crois que j’avais enfin compris ce que signifiait cette phrase : « Ce sont des héros. » Oui, des héros. Les héros de la Vie, de la force de la Vie, cette force qui nous pousse à dépasser la raison, à braver l’interdit, les dangers de mort ! Car oui, ils se sont donnés, jusqu’à accepter de donner leur VIE si le pire arrivait ! Ils ont accepté de vivre l’inquiétude au ventre, la peur, tout ça dans le plus grand des secrets… par amour pour ces 2 enfants, par amour pour l’homme.

A la fin de la cérémonie, quand nous sommes sortis de la mairie, j’ai réalisé l’importance de la reconnaissance des Justes, de ce travail de la Mémoire. II est essentiel, pour nous, descendants, de savoir, de comprendre et de transmettre !

Et depuis ce jour, je suis fière, tellement fière d’eux ! Le fait de partir en Israël est pour moi également une manière de montrer cette fierté, fierté de ces Justes, de tous les Justes qui ont tout donné pour des personnes injustement en danger. C’est aussi un témoignage, car je me suis rendu compte qu’énormément de gens ne connaissaient pas ce statut des « Justes parmi les Nations », et me posent beaucoup de questions…

 

Je suis heureuse d’avoir pu replonger dans cette histoire, car je serai désormais plus forte de mes racines, plus riche de ce témoignage !

 

Pourquoi avez-vous accepté de faire ce voyage?

Pour plonger dans l'histoire et réaliser tout ce qui s'est passé;

 

 

Hadrien HARTMANN

20 ans, Étudiant en Économie

 

Simone Pasquet entre dans la Résistance à Perpignan en 1942.

Grande marcheuse et adepte des promenades en vélo, elle est membre des Camarades de la Route et des auberges de jeunesse. A l’occasion d’une réunion organisée dans ce cadre à Perpignan, elle rencontre Pierre Cartelet qui lui avait été présenté précédemment par une amie commune.

Simone est très méfiante car Pierre Cartelet est membre des Compagnons, mouvement qui remplace, à l’époque, le service militaire et qu’elle soupçonne d’être pro-Pétain. Pierre Cartelet, comprenant la méprise, lui explique qu’il est membre de la Résistance, ayant senti que Simone Pasquet est prête à s’y investir et à y apporter son aide.

 

A titre anecdotique, parmi les actions qu’elle réalise pour la Résistance, elle garde pendant une semaine un million de francs dans sa chambre pour le compte de la Résistance. Elle convoie une mallette à Lyon dont elle ignore le contenu.

 

Cependant, son rôle est avant tout d’aider les Juifs à s’échapper de la France vers l’Espagne pour fuir l’occupation nazie. Elle aide également toute autre personne en ayant besoin (polonais, résistants recherchés…).

 

Afin d’opérer le sauvetage des Juifs notamment, elle délivre des faux papiers sur la base de véritables cartes d’identité non poinçonnées par les autorités, et les accompagne auprès de passeurs.

Souvent, elle récupère les personnes fuyant le régime nazi dans un petit hôtel, lieu de rencontre fixé avec les accompagnateurs qui les amènent à Perpignan, ou bien elle les rencontre dans la rue. Elle les conduit ensuite auprès des passeurs. La plupart des groupes en direction de l’Espagne ne reste qu’une journée à Perpignan.

Ceux qui ont besoin de loger à Perpignan sont répartis dans des endroits différents afin de garantir leur sécurité. Simone Pasquet et d’autres résistants vont, en parallèle, les chercher dans leurs différents logements afin de constituer des petits groupes pour se retrouver au point de rencontre situé derrière le cimetière de Perpignan et ne pas éveiller de soupçons.

 

Occasionnellement, Simone Pasquet héberge à son domicile des personnes fuyant l’occupation nazie. Elle loge par exemple quatre soldats américains dont la forteresse volante a été abattue à Salon et les aide à passer en Espagne.

 

Le mode opératoire est d’en connaître le moins possible sur les autres résistants. Quand elle raconte son histoire, Simone dit avec un immense courage : « Si on était torturé, on ne pouvait rien dire ».

 

Monsieur et Madame Blanc sont arrêtés à quelques minutes du domicile de Simone Pasquet alors qu’ils y conduisaient le reste de l’équipage américain pour qu’ils y rejoignent les quatre soldats qu’elle logeait afin qu’ils partent ensemble en Espagne. Monsieur Blanc est fusillé et sa femme est déportée à Auschwitz ; les soldats américains, habillés en civil et n’étant donc pas considérés comme prisonniers de guerre, sont également fusillés.

Pierre Cartelet, la personne qui l’a faite entrer dans la Résistance, est arrêté 15 jours avant la Libération. Il est emmené à Toulouse puis disparaît. En son honneur, une rue de Perpignan sera baptisée de son nom.

 

 

Le sauvetage d’Otto WEINMANN

 

Otto Weinmann est présenté à Simone Pasquet par un camarade commun, René Levitas, Juif, dont Simone Pasquet organise également la fuite en Espagne.

A Perpignan Otto Weinmann loge dans une chambre avec deux autres personnes ; chacun paye à un logeur indélicat un loyer intégral ! Le logement est si exigu, qu’afin de pouvoir se concentrer et préparer ses examens de médecine, Otto Weinmann regarde le mur en tournant le dos aux deux autres.

Otto Weinmann dîne plusieurs fois avec Simone Pasquet et ses amis. Il s’exclame une fois, lors d’un dîner : « Je suis dégoûtant » au lieu de dire « Je suis dégoûté »!

 

Otto Weinmann travaille dans un hôpital à Perpignan. Un jour il apprend qu’une descente de la Gestapo va avoir lieu, ce qui l’oblige à quitter l’hôpital. Après un bref séjour à la campagne, Simone organise son passage en Espagne.

Le jour où Otto Weinmann doit partir pour l’Espagne, elle l’accompagne personnellement jusqu’à Banyuls. Ils arrivent dans l’après-midi et vont sur la plage pour ne pas rester trop longuement dans un café de Banyuls afin de ne pas éveiller les soupçons. A la nuit tombée, elle confie Otto Weinmann au passeur.

Au cours du passage en Espagne, Otto se blesse, mais le groupe doit avancer. Il doit alors attendre le retour du passeur mais après une nuit dans la nature, il finira par appeler à l’aide et sera récupéré par des gendarmes français, qui, par chance, ne le constitueront pas prisonnier.

Otto Weinmann retrouve Simone à Perpignan, elle décide alors de l’envoyer à Lyon chez son amie Mado.

Elle lui délivre des faux papiers et lui donne le nom d’Albert Baudoin, fils d’Isabelle Levas et d’un dénommé Baudoin.

Otto Weinmann parle bien le français mais il a un accent. Simone Pasquet le fait naître dans un patelin perdu du nord de la France, à la frontière belge, en ayant pris soin de vérifier qu’il s’agissait d’un endroit bombardé pendant la Guerre de 1914 et en espérant que les états-civils auraient disparu et qu’on ne puisse pas vérifier son identité.

Otto Weinmann part à Lyon mais Mado, l’amie de Simone Pasquet, ne peut pas s’en occuper, son mari s’étant fait arrêté par la Milice. A Lyon, il se retrouve préposé à garder les voies ferrées pour le compte de l’armée allemande. Il doit surveiller les voies pour qu’elles ne soient pas détruites par la Résistance !

 

A la fin de la Guerre, Simone assistera au mariage d’Otto Weinmann à l’hôtel Lutétia à Paris. Puis Otto Weinmann repart à Vienne.

Après plusieurs années sans aucun contact, Otto Weinmann effectue des recherches pour la retrouver et lui écrit une lettre fin 1983. Ils reprennent des relations et effectuent alternativement des voyages à Paris, Bourges et Vienne pour se rendre visite.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Pour rendre hommage aux Justes et perpétuer le devoir de mémoire.

 

 

Lilian NOIRET

31 ans, Prépare une thèse de Philosophie

 

Mon arrière-grand-mère Augusta Paquien décida en 1943 de cacher René, un jeune Juif, alors qu'elle était veuve avec 4 enfants à charge.

 

L'aîné, Baptiste, s'engagea dans la Résistance, et mon grand-père Luc, qui reçut la médaille des Justes à titre posthume, devint le plus âgé à aider mon arrière-grand-mère avec ses autres frères pour les travaux de la ferme et pour cacher René.

 

Pendant un an, Augusta fit passer René pour un cousin de Lyon malade et dont elle devait s'occuper. Elle l'emmena à l'école et à la messe pour camoufler le fait qu'il était juif.

 

Mon grand-père qui a pourtant beaucoup contribué à mon éducation, ne m'a jamais raconté cette histoire. Je l'ai apprise l'été dernier.

Tout ce que je sais, c'est que René a été caché entre 1943 et 1944 dans la ferme de mon arrière-grand-mère Augusta Paquien que je n'ai pas connue, et que cela l'a sauvé des camps de concentration.

 

Je sais que René et mon aïeule sont restés proches et se voyaient régulièrement.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer au voyage en Israël ?

Je souhaite découvrir Israël et ses habitants.

 

 

Lucie GIRAUD 

23 ans, Sage-femme

 

 Sous l’Occupation, mes grands-parents Suzanne et Gilbert Giraud, sauvèrent la vie de Roger Eisinger, ainsi que celle de sa femme et de ses deux enfants Jean-Bernard et Marc.

 

Gilbert Giraud habitait Marseille et faisait partie du scoutisme. En 1937, récemment établi avec sa jeune épouse, ma grand-mère Suzanne, il devint responsable de la troupe des routiers de son quartier.

 

Il rencontre Roger Eisinger, fondateur du mouvement des jeunes éclaireurs israélites, semblable à celui des scouts catholiques. Roger, né lui aussi d’une famille marseillaise, était lui aussi récemment marié. Roger et Emy son épouse étaient tous deux juifs. Les deux couples deviennent amis et se voient régulièrement. Suzanne et Emy sont de plus en plus complices, et quelques mois plus tard découvrent qu’elles attendent chacune un enfant.

 

Mais bientôt les noires années de la Guerre arrivent. Gilbert devient commissaire de district, c'est-à-dire à la tête des responsables des troupes de scouts de la région.

Un jour de janvier 1943, il reçoit un appel téléphonique d’un aumônier qui, grâce aux milieux catholiques, avait eu connaissance d’arrestations massives. Gilbert prévient ses amis juifs et fait passer le message. Il passe lui-même au magasin d’optique des Eisinger rue Saint-Ferréol, et tombe sur le père d’Emy qui ne veut pas y croire.

Ils ne le savent pas encore mais la grande rafle de Marseille allait débuter. Ce sera une des plus grandes rafles de l’Histoire de l’Occupation, après celle du Vel d’Hiv à Paris.

 

Peu de temps après, le 21 janvier 1943, Roger Eisinger part pour une réunion des mouvements scouts et éclaireurs qui se tient en dehors de Marseille. Il commet l'imprudence de prendre ses propres papiers, frappés du tampon "Juif". Contrôlé à la gare, il est arrêté sur le champ, avec un grand nombre d'autres Juifs.

 

Témoin de cette arrestation, Gilbert Giraud va prévenir sa famille.

Madame Eisinger fait appel à Maurice Dejean, inspecteur à la Commission à la Jeunesse et aux Sports de Marseille. Grâce à ses contacts, Dejean obtient la mise en liberté de Roger Eisinger et le cache chez lui, dans une maison de campagne à La Rose, près de Marseille.

Emy et ses deux enfants sont alors hébergés chez Gilbert et Suzanne, dans le petit appartement au n°4 de la rue Saint-Adrien.

 

Les autres Juifs capturés ce jour-là furent déportés au camp d'extermination de Sobibor, d'où aucun ne revint.

 

La Gestapo continua à traquer Roger Eisinger. Sa femme et ses enfants n'étaient plus en sécurité chez eux. Gilbert et Suzanne Giraud leurs donnèrent asile jusqu'à la Libération.

 

Roger put se procurer de faux papiers au nom d’Emmanuel Eydoux. Après huit mois, grâce aux réseaux clandestins, les Eisinger trouvent refuge dans la région de Lyon où Roger est employé comme ouvrier agricole.

 

Après la Guerre, la famille Giraud resta liée à celle de Roger Eisinger. Celui-ci devint poète sous le nom littéraire d’Emmanuel Eydoux. Une rue porte ce nom à Marseille.

 

Le 16 avril 1992, Yad Vashem a décerné à Gilbert et Suzanne Giraud le titre de Juste parmi les Nations.

Le 22 septembre 2007, ma grand-mère a reçu la Légion d’Honneur à Marseille, entourée de ses dix enfants et de ses nombreux petits-enfants. Marc Eisinger, fils de Roger et Emy, était présent ce jour-là.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Je souhaite revivre l'histoire de mes grands-parents.

 

 

Geneviève RIBES TURGEON  

30 ans, Conseillère en organisation de services

 

 En 1943, mes arrière-grands-parents Marcelle et Marius Ribes habitent Maury, un village des Fenouillèdes dans les Pyrénées-Orientales en France.

Ils possèdent des vignes dans les terres des alentours et un mas (La Roque) à flanc de montagne entre Maury et le village de St-Paul-de-Fenouillet. Ils ont 4 enfants : Jeanne, René, Paul et Raymonde. Jeanne est déjà mariée et a quitté la maison, et donnera naissance à un garçon en août 1943.

Les autres enfants demeurent avec leurs parents. Paul, mon grand-père, a environ 18 ans et son frère René est à l’aube de sa vingtaine. Les deux frères aideront le maquis en faisant des rondes de surveillance dans les vignes entourant le village. Ils surveillent le mouvement des quelques troupes allemandes de la région. Quant à Raymonde, la cadette, elle est encore une enfant.

 

Leur nièce Germaine Bastaki et ses parents habitent dans les environs de Perpignan et œuvrent pour un réseau de protection envers les personnes juives.

Le Dr. Otto Weinmann faisait partie des personnes bénéficiant de leur aide.

Il devait se rendre en Espagne, mais un malheureux incident, une fracture du pied, l’a empêché de poursuivre sa route. Otto a été soigné à l’hôpital de Perpignan, amené par de bonnes âmes. Les parents de Germaine l’ont caché quelque temps à l’hôpital de Perpignan. Ensuite madame Bastaki lui a trouvé une autre cache, mais à la longue c’était risqué.

Germaine a alors eu l’idée de contacter Marcelle, sa marraine, et Marius à Maury pour leur demander s’ils acceptaient de cacher Otto quelque temps. La réponse est oui, bien que Marcelle ait peur pour ces enfants. Elle a peur des mauvaises langues qui pourraient parler. Au final, il y a aura que de la discrétion et de la solidarité. Marius avait donné sa parole, Otto serait en sécurité.

Otto s’est promené entre leur demeure dans le village et le mas La Roque. Marius et ses fils René et Paul l’aidaient à monter dans une charrette et le recouvraient de foin pour l’amener au mas respirer l’air frais à l’abri des regards. On raconte que mon grand-père et son frère, un peu taquins, prenaient plaisir à bien ensevelir Otto sous des couches et couches de paille, pour ensuite le taquiner doucement avec la fourche en prétendant « tester » la cache ! Imaginez deux jeunes hommes espiègles capables de tourner une situation inquiétante en moment loufoque comme seul les enfants savent retrouver le jeu dans les durs moments de la vie.

 

Cela a duré environ 6 mois. Otto donnait parfois un coup de main à la vigne. Dans des correspondances envoyées à Raymonde, bien des années plus tard, il évoquera les vendanges et ses souvenirs du petit Édouard, premier petit-fils de Marcelle et Marius . Sa blessure guérie, Otto a repris la route vers l’Espagne où il est resté jusqu’à la fin de la Guerre avant de retourner en Autriche.

 

Les années passent et la famille Ribes se disperse. En 1961, Paul, désormais marié à Ginette et papa de Monique (née en 1950), émigre vers le Canada, précisément à Trois-Rivières dans la province de Québec. Attirés par la nature canadienne et l’abondance promise à ceux qui sauront exploiter les terres de ce pays, ils se lancent dans cette grande aventure. Son frère René les joindra rapidement.

 

De son côté, Raymonde se marie et donnera naissance à des jumelles en 1951. La famille a gardé contact avec Otto, par le biais de Raymonde et ensuite grâce à une de ses filles, Martine, qui a poursuivi la correspondance. Martine et Otto se sont vus en France et en Autriche dans les années 1980 et 1990.

 

Revenons à la fille de Paule, Monique. Elle grandit entre le Québec et la France où elle retournera vivre chez sa grand-mère de 1964 à 1968. Loin de sa famille, elle renoue une grande amitié avec ses cousines Martine et Marie-Ange, filles de Raymonde sa marraine qui l’accueille tous les week-ends.

Elle revient au Québec quelques années et entreprend ces études qui la ramèneront vers la France, à l’Université de Montpellier, pour une brève année. De retour au Québec, pour de bon cette fois, elle amorce sa carrière et se marie en 1981. Elle donnera naissance en sol canadien à Nicolas (1981) et moi, Geneviève, en 1984.

À la mort de son père en 1982, Monique et sa sœur héritent du mas La Roque. Notre mère veille à ce que mon frère et moi découvrions nos origines françaises. Nous passerons donc de nombreux étés sous le soleil des Fenouillèdes au mas de La Roque.

 

Petite, on me raconte l’histoire d’Otto mais je ne comprends pas de quoi il est question et j’oublie cette histoire familiale qui ressemble à une rumeur. Enfin, en 2007, lors d’un voyage, Martine me reçoit quelques jours chez elle. Elle me fait visiter Perpignan. Un après-midi, nous nous promenons dans le centre-ville, elle veut me montrer une église. Nous nous y assoyons pour admirer les fresques et c’est alors que surgit l’histoire d’Otto dans notre conversation. Elle me la raconte en murmurant pour ne pas déranger les vieilles dames qui prient près de nous.

Cette fois, je comprends ce que mes arrière-grands-parents ont réalisé. C’est irréel, j’en reste sans voix. Je découvre en même temps que mon grand-père travaillait avec le maquis… Moi, la jeune étudiante de science politique qui termine un voyage de 2 mois en Europe pour voir de mes propres yeux des lieux-clé de la Seconde Guerre Mondiale, je comprends que les Ribes ont peut-être laissé une marque positive à travers ces événements tragiques. Quelle fierté ! Je téléphone à mon frère : « Nico ! Enfin je comprends d’où vient ma fascination pour la Seconde Guerre Mondiale ; mon besoin de comprendre ce qu’on a fait au peuple juif… Je crois que c’est imprimé dans notre génétique…»

En Fenouillèdes les familles Bastaki et Ribes ont caché et sauvé Otto Weinmann. Moi, descendante de Marcelle et Marius, je suis fière de partager cet héritage familial avec tous les arrière-petits-enfants de Marcelle et Marius et la famille Bastaki…

 

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

Je l'envisage comme un pelerinage, la chance de me rapprocher de mes arrière-grands-parents que je n'ai pas connus mais que j'admire sincèrement. Je n'ai malheureusement pas pu assister à la cérémonie officielle en leur honneur, le voyage des Justes me permettrait de leur rendre un hommage. Je ne sais pas comment refléter en mots tout l'engouement que ce projet génère chez moi, je crains que mes réponses ne puissent vous témoigner de façon juste la frénésie que je ressens à l'idée de vivre cette expérience.

 

 

 

Anne-Gaële SAINT-OLIVE     

24 ans, Responsable de sécurité

 

Témoignage sur le rôle de mes arrière-grands-parents et de ma grand-mère pour la protection des familles juives pendant la Seconde Guerre Mondiale.


 

La lettre de Yad Vashem nous informant que mes arrière-grands-parents Edouard et Thérèse Payen (parents de Mamiette, ma grand-mère) ont reçu le titre de "Justes parmi les Nations", pour leur action de protection de réfugiés juifs persécutés pendant l'Occupation, cette lettre est arrivée quelques jours après l’anniversaire de ma grand-mère, Mamiette (19 janvier).

 

Mon oncle Luc Gabolde, historien et chercheur au CNRS, a entrepris des recherches pour comprendre et retracer les évènements qui se sont produits pendant la Guerre. Je souhaite témoigner une profonde reconnaissance à mon oncle pour la démarche qu’il a entreprise en réveillant les mémoires à partir des informations données par la famille Kelner et celles qu’il avait pu recueillir auprès des oncles et tantes.

Je souhaite également remercier Madame Craunot qui a contacté Joseph Payen après l’hommage aux Justes de Jacques Chirac et Simone Veil le 18 janvier 2007. Luc avait rendu visite à Mamiette la veille de son décès pour lui annoncer que la famille Kelner souhaitait la rencontrer, ce qui l’avait profondément réjouie.

 

Certains faits peuvent être inexacts mais ils témoignent néanmoins des liens tissés pendant la Guerre, de cette solidarité et de cette humanité face à la folie de certains hommes.

La directrice de la Croix Rouge de Montplaisir demanda à 4 ou 5 infirmières stagiaires, dont Mamiette, si elles connaissaient des gens susceptibles d’héberger des réfugiés traqués. Mamiette en a fait part à ses parents, Edouard et Thérèse Payen, qui ont accepté de participer à ce réseau. Au lieu de la jeune fille annoncée, c’est un jeune couple avec un bébé qui leur fut adressé. Ma famille est profondément chrétienne et l’image de ce jeune couple à la veille de Noël a conforté mes arrière-grands-parents dans leur démarche. Dans le recueil « Histoires de famille » rédigé pour ses petits enfants en 1961, Thérèse Payen décrit ce moment avec beaucoup d’humilité et de piété: « À quelques jours de là, au lieu de jeune fille annoncée, nous voyons arriver une petite jeune femme blonde, serrant un bébé dans ses bras, et suivie d’un homme plus âgé. Cette apparition me laisse interdite : c’était pendant la semaine de Noël, si la Sainte Famille avait vécu de nos jours, c’est sous cet aspect qu’elle se serait présentée, juive comme eux, traquée comme eux par quelque Hérode de notre temps. Coïncidence, ou réponse du Seigneur: « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites. Ces réfugiés restèrent huit jours à la maison, puis disparurent aussi discrètement qu’ils étaient arrivés. Nous n’avons jamais eu de leurs nouvelles, ont-ils réussi à passer en Suisse, ou sont-ils allés grossir le nombre des victimes d’Eichmann ? ».

 

Par l’intermédiaire de Mamiette et Louise qui fréquentaient une chorale scoute, les deux sœurs Weill, d’une famille juive de drapiers, ont pu cacher un lot de draps qui constituait une part essentielle des biens de leur famille qu’elles voulaient mettre en lieu sûr. L’une des sœurs n’a pas survécu au camp de concentration mais l’autre a pu récupérer son lot de draps à la fin de la Guerre.

 

Edouard et Thérèse ont accueilli plusieurs réfugiés pour quelques nuits.

Michel et Dwjora Kelner furent hébergés pendant une plus longue période. Ils logèrent tout d’abord dans une chambre de l’appartement, où ils restèrent environ six mois, avant d’emménager au grenier. Michel pouvait continuer son activité de tailleur dans une pièce aménagée en lingerie dans l’appartement d’Edouard et Thérèse.

Ils purent être préservés des rafles en restant dans l’appartement rue Sala à Lyon jusqu’à la fin de la Guerre.

Lorsque Jacqueline Craunot (leur fille cadette) a écrit à Joseph Payen, Luc a répondu en son nom, et une correspondance s’est établie dans la foulée avec elle et son frère Lazare Kelner.

Après avoir quitté Lyon, les Kelner se sont installés à Paris. Dans des conditions très difficiles ils ont su reprendre une vie normale en continuant leur métier de tailleur et en élevant leurs enfants. Il n’est pas aisé de cacher des personnes aussi longtemps. Nous pensons donc sincèrement que les habitants de l’immeuble ont fait preuve d’une grande discrétion et ont soutenu l’acte de bonté entrepris par Edouard et Thérèse Payen en préservant le secret. Certains jugèrent leurs actes irresponsables car Edouard et Thérèse étaient parents d’une famille de huit enfants. Pour eux, il s’agissait seulement de venir en aide à son prochain et de combattre la haine qui sévissait pendant ces années noires.

Les Kelner ont repris contact avec mes arrière-grands-parents après la Guerre mais il semblerait qu’Edouard et Thérèse n’aient pas donné suite. Ils estimaient qu’ils n’avaient fait que leur devoir et n’attendaient rien en retour. Ils avaient conservé ces mots qui malheureusement ont été perdus après leur décès.

 

La cérémonie de remise de la médaille des Justes parmi les Nations du 1er décembre 2013 m'a beaucoup émue, tant par les témoignages des autres familles que nous avons entendus, que par la démarche de Yad Vashem. Nous avons prolongé la cérémonie par un déjeuner en famille où nous avons pu connaitre les descendants de Dwjora et Michel Kelner.

 

Je suis d'une génération qui n'a pas connu la Guerre mais je ne cesse de me demander comment j'aurais réagi face à cette situation. Je suis très admirative du comportement de mes arrière-grands-parents Payen et du rôle qu'a joué ma grand-mère, Marie-Antoinette Payen (Mamiette) en sollicitant ses parents pour rentrer dans ce réseau de protection de la communauté juive. Je respecte surtout l’humilité dont ils ont fait preuve.

 

En 2004, j'avais réalisé un projet pédagogique pour la protection de la mémoire de la Shoah avec ma classe de 3e.

Nous avions élaboré une fiction mettant en scène l’histoire de deux enfants juifs déportés (un petit garçon français, une petite fille allemande) : leur vie d’enfant, leur rencontre et leur destin des années 30 à 1945.

Lauréats du Prix Annie et Charles Corrin, nous avons pu nous rendre à Auschwitz en présence d'un rescapé du camp. Son témoignage m'avait énormément touchée. La démarche de Yad Vashem, le fonds Annie et Charles Corrin, sont des initiatives fondamentales pour que la mémoire de ces évènements survive et pour que plus jamais de tels actes ne soient perpétrés.

Je remercie encore Luc Gabolde et la famille Kelner qui, par leurs recherches et leurs témoignages, nous ont transmis (aux petits-enfants et à toute notre génération) le devoir de mémoire de la Shoah et l’importance d’agir dans le respect de la vie humaine.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ? 

J'ai accepté de participer à ce voyage afin de faire des rencontres avec d'autres descendants de Justes, être témoin de ce qui s'est passé et de découvrir ce pays riche par sa culture.

 

Thibault BRUGERON 

26 ans, Consultant en communication

 

Mère Marie-Rose, née Augustine Joséphine Brugeron, était la sœur de mon arrière-grand-père Etienne Brugeron.

Ils étaient issus d’une famille très nombreuse (13 enfants), Mère Marie-Rose étant la 9ème, et mon arrière-grand-père (son frère), le 11ème. La famille avait à ce titre reçu le prix Cognacq-Jay pour les familles nombreuses.

 

Mère Marie-Rose est devenue sœur très jeune, et son cheminement l’a menée jusqu’à devenir Mère Supérieure du Couvent de la Providence à Mende, préfecture de la Lozère (département dont est issu toute ma famille).

Le couvent avait une fonction d’orphelinat.

 

En septembre 1943, alors que les forces allemandes occupaient les territoires français sous contrôle italien, la famille Hochman confia ses trois enfants à l’Œuvre du Secours aux Enfants (OSE) qui cachait des enfants juifs.

Les parents David et Hella-Zyssa se cachèrent, mais Hella, qui venait parfois rendre visite à ses enfants, fut arrêtée par la Gestapo et déportée à Auschwitz, où elle fut assassinée le 2 novembre 1943. Après l’arrestation de Hella, David décida que les enfants devaient être cachés à un autre endroit, et son beau-frère Charles Mercier vint à son aide.

Charles plaça les deux filles, Annie et Gabi, dans un orphelinat au couvent de la Providence à Mende, qui assurait en même temps un refuge aux membres de la Résistance.

 

Le Père Joseph Caupert, en charge de l’orphelinat, Sœur Marie-Emilienne et Mère Marie-Rose décidèrent de garder secrète l’identité juive de Gabi et Annie. Gabi et Annie restèrent un an et deux mois à l’orphelinat.

 

Après la Guerre, les jeunes filles et leur père ne parlèrent ni de la vie au couvent ni de la vie de la famille pendant la guerre. De leur côté, Mère Marie-Rose, Sœur Marie-Emilienne et le père Joseph Caupert gardèrent le secret sur leur histoire.

Ce n’est qu’en 1990 que Gabi commença à faire des recherches pour savoir comment elle avait été sauvée. Avec l’aide de Aloumim, l’Association d’Enfants Juifs Cachés durant l’Holocauste, Gabi se tourna vers l’OSE. À l’aide de leurs listes des enfants qui avaient été cachés, Gabi découvrit que sa sœur et elle avaient été placées à l’orphelinat de La Providence. Elle trouva également leurs noms inscrits sur les listes d’enfants ayant habité au couvent.

 

En 1997, une plaque relatant les faits a été apposée à la Providence par la ville de Mende. Malheureusement, à cette époque, mon arrière-grand-tante était déjà morte depuis longtemps.

 

Le 6 juin 2011, la Commission pour la Désignation des Justes parmi les Nations à Yad Vashem décida de décerner au Père Joseph Caupert, à Sœur Marie-Emilienne et à Mère Marie-Rose Brugeron le titre de Juste parmi les Nations. La cérémonie accordant ce titre à Mère Marie-Rose Brugeron aura lieu en France le 12 juin à Mende.

 

Depuis que je suis petit, j’entends parler de cette histoire, notamment par la sœur de mon grand-père (la nièce de Marie-Rose) qui est elle aussi sœur au couvent de la Providence. Je sais qu’elle était connue pour être très aidante, mais aussi très discrète, ce qui explique probablement qu’elle ait voulu garder le secret de cette histoire.

 

Nous ne pouvions pas nous rendre à la cérémonie en 2011, et c’est pour cette raison que nous avons absolument tenu à ce qu’une cérémonie nouvelle ait lieu en France pour honorer mon arrière-grand-tante, mais surtout pour se souvenir du sort réservé aux Juifs durant l’extermination nazie.

 

Nous sommes en contact régulier avec Sœur Marie-Emilienne, et un livre a été écrit en décembre sur le Couvent et le secret des enfants.

 

Gabi Hochman est encore vivante, elle vit en Israël, et nous sommes en contact permanent et régulier avec elle.

 

Je serais très honoré de pouvoir me rendre à ce voyage de souvenir, pour honorer la mémoire de Juifs et celle de l’amitié entre les religions aussi, puisque dans le cas de mon arrière-grand-tante, c’est également ce qui était en jeu.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

J’ai accepté de participer à ce voyage en premier lieu pour découvrir Israël, échanger avec d'autres descendants et d'appliquer mon devoir de mémoire.

 

 

Mathilde ROMAGNAN    

26 ans, Journaliste

 

 

Les faits se sont déroulés à Marseille, en novembre 1942. Rose-Anne et son époux Louis habitaient depuis 5 ans au 45 rue Breteuil, dans le 6e arrondissement de Marseille, près du Palais de Justice et de la Préfecture. Ils avaient alors quatre jeunes enfants : Jean-Marie, Monique, Michel et Anne-Marie. Mon propre père n'était pas encore né.

Mon grand-père Louis n'a pas été mobilisé dans l'Armée française pour la guerre, puisqu'il était quasi-aveugle d’un œil. Il était vice-président de la Confédération de l'Artisanat Familial et président de la Fédération des Artisans Provençaux, et a été nommé en novembre 1940 membre de la Délégation spéciale chargée de la gestion de la ville de Marseille (fonction qu'il occupera jusqu’en août 1944).

 

En novembre 1942, un ami de la famille, Elie Pardigon, directeur de la Caisse d’Allocations Familiales et actif dans les réseaux d’entraide, qui se trouvait sur le même palier que les Romagnan, a demandé à mes grands-parents d’employer une femme de ménage réfugiée, juive d’origine russe : Youra Kargarlitzkaya.

Mais au bout de quelque temps, Youra eut des problèmes pour se déplacer dans Marseille : les Allemands occupaient la Zone Libre depuis le 11 novembre 1942, et les rafles se sont multipliées, particulièrement en janvier 1943.

Ma grand-mère Rose-Anne a donc proposé à Youra d'être hébergée dans le bureau de mon grand-père, qu'il utilisait rarement. Les souvenirs familiaux rapportent que Youra jouait avec les jeunes enfants et qu'elle faisait sa propre cuisine à base d'oignons.

 

Mais pour Youra, vivre à Marseille devenait de plus en plus dangereux, car les rafles étaient de plus en plus nombreuses. La situation devenait dangereuse également pour mes grands-parents et leurs enfants, d'autant que ma grand-mère était enceinte de son 5e enfant (Marc est né en juin 1943).

Youra décida alors de partir, comme en témoigne cette lettre datée du 12 juillet 1945, adressée à sa famille aux États-Unis : "As long as I have been in the house, I was quite safe but it was impossible to stay always in, and once out I was never sure to come back. People were taken away from streets, from shops, and from houses, during days and nights. When I was out and did not come back when they thought I should have, I found them running about from door to door from window to window looking for me. It became impossible to live such a life and we all decided I must go to a safer place».

 

Mes oncles et tantes racontaient que Youra était réputée s’être évadée plusieurs fois de camps d’internement et qu’elle aurait dit que si les Allemands étaient venus frapper à la porte, elle aurait sauté par une fenêtre dans la cour intérieure de l’immeuble pour s’enfuir.

 

A la fin de la Guerre, Youra est revenue voir ma grand-mère Rose-Anne et sa famille à Marseille en tenue de combat, armée, accompagnée d’un officier. Il semble donc qu'elle ait participé à la Libération de la France.

Finalement, elle n'est restée chez mes grands-parents que quelques mois, au cours de l'hiver 1942-1943.

Mes grands-parents, Louis et Rose-Anne Romagnan ont toujours parlé à leurs enfants de la venue de Youra dans le foyer familial comme un simple acte de charité chrétienne destiné à aider son prochain, comme ils l'ont fait tout au long de leur vie.

 

En 1990, la famille de Youra aux Etats-Unis, en rangeant des affaires, a trouvé par hasard des lettres qu'elle avait écrites, notamment celle où elle raconte qu'elle a dû partir de Marseille et de chez mes grands-parents. Ils ont donc engagé les démarches pour que mes grands-parents obtiennent la médaille des Justes. Comme mon grand-père est décédé en 1975, seule ma grand-mère Rose-Anne l'a reçue.

  

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

Ce voyage me permettra de découvrir une partie de l'histoire de mes grands-parents.

 

 

Adrien JAUSSAUD       

21 ans, Étudiant

 

 

Auguste Brochier est né le 18 mai 1895 à Saint-Julien-en-Champsaur (Hautes-Alpes). Clély Alleman est née le 3 décembre 1898 à Chantausel (Hautes-Alpes).

 

Auguste fut mobilisé entre 1914 et 1918. Il se maria avec Clély fin 1923. Ils travaillèrent en tant que fermiers dans différents villages de l’Isère et des Hautes-Alpes. Ils avaient cinq enfants : Clélie, Bernard, Marie-Thérèse, Eugène et Cécile. Ils s’installèrent à Charance au début des années 30 où ils louèrent une ferme. Claude y est né.

 

En 1939, Auguste, mobilisable du fait de son âge, fut exempté car il était soutien de famille.

La famille Vorms (la « petite Michèle » et ses parents) ont quitté Paris pour Marseille avant la Rafle du Vel’ d’Hiv. En janvier 1943, prévenu par un gendarme d’une rafle prochaine à Marseille, ils se réfugièrent à Gap où habitait un cousin. Après quelques jours à l’hôtel, ils louèrent la maison attenante à la ferme de Charance, faisant ainsi la connaissance de la famille Brochier. Michèle, 5 ans, trouva en Claude (8 ans) un compagnon de jeux apprécié.

 

Les cousins, Gérard Vorms, sa femme Suzanne, sa sœur Lucie Vorms et les trois fils de Suzanne et Gérard (Philippe né en 1924, Jean né en 1929 et François né en 1934) habitaient à Gap, 8 rue des Remparts.

Jean et François étaient scolarisés à Gap. Ils venaient régulièrement à la ferme où François a appris à lire l’heure à Michelle. Ils ont tous les cinq été arrêtés le 13 février 1944 et sont arrivés à Auschwitz le 30 mars 1944 (convoi N°70). Ils ne sont pas revenus.

 

Devant la menace de plus en plus pesante, les Vorms quittèrent la maison et Bernard, l’aîné de la famille Brochier, les emmena de nuit dans un lieu à ce jour encore inconnu.

Ils quittèrent cette cachette précipitamment quand Michèle demanda un matin au facteur s’il avait du courrier pour les Vorms. Ils revinrent se cacher à la maison de Charance et confièrent Michèle aux parents Brochier (« nous avons 6 enfants, nous en aurons 7 »).

Michèle habitat désormais chez les Brochier, dormant avec Claude dans la chambre d’Auguste et Clély. Elle appelait Auguste « Mon Papanou » et sautait sur ses genoux en cas de visite des Allemands.

Un homme nommé Michel, gestapiste notoire et ancien des camps de jeunesse, qui savait pertinemment que la fratrie Brochier n’était composée que de six enfants, venait jouer avec Michèle et n’a jamais dénoncé la famille, peut-être par respect pour Auguste. En effet, Auguste était une personne respectée par ses voisins et les habitants des alentours car il avait une honnêteté morale et professionnelle, une prestance et une fierté qui lui donnaient beaucoup d’aura.

 

Après la libération de Gap (en août 1944), la famille Vorms est restée quelque temps à Charance, jusqu’en novembre 1944, puis ils sont remontés sur Paris. Ils eurent un fils prénommé Bernard en l’honneur de Bernard Brochier.

 

A l’été 1949, les Vorms sont revenus à Charance rendre visite aux Brochier. Andrée Vorms a gardé un contact épistolaire avec Clély jusqu’à la mort de celle-ci en 1988.

 

Une première démarche a été entamée par Michèle en 1990 pour se rapprocher de la famille Brochier, mais Eugène, qui habitait alors à la ferme a refusé la médaille des Justes, arguant que ses parents n’avaient fait que leur devoir sans attendre de contrepartie.

 

En 2007, Laurence, la fille de Michèle, a réussi à retrouver Claude et a pu avec son accord et celui des membres de sa fratrie toujours en vie, entamer les démarches auprès de Yad Vashem.

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

Ce voyage me permettra de rendre hommage à ma famille.

 

 

Jérémy THOMAS

20 ans, Etudiant en Art

 

 

Mon arrière-grand-père Pierre THOMAS, qui a aujourd’hui bientôt 96 ans, habite depuis sa naissance dans le centre-ville de Toulouse. Il a eu la chance de naître dans une famille fortunée qui habitait dans un hôtel particulier.

 

Il avait 21 ans lorsque la Seconde Guerre Mondiale a éclaté, et a rapidement compris qu’il fallait agir dans l’ombre et résister à sa façon comme il pouvait. C’est d’ailleurs au sein de la Résistance qu’il rencontra mon arrière-grand-mère.

 

Etant au centre de Toulouse il était aussi bien placé pour coordonner des actions et aider à faire des faux papiers. Il m’a raconté qu’il avait caché de nombreuses personnes dans les caves et les greniers. En effet, son domicile comprend une grande surface habitable ainsi que des labyrinthes de caves et chambres de bonne sous les toits.

 

Il a été inquiété une fois par la Police française car elle avait appris qu’il avait hébergé un homme qui avait tué un S.S. ainsi que le chef de secteur de la Gestapo. Heureusement que le policier a été conciliant et n’a pas approfondi l’interrogatoire, sinon il serait tombé.

 

Une autre fois, lors d’un déplacement à Luchon, il a eu vent que la Gestapo allait faire une descente et prendre une femme enceinte. Son mari avait été pris la veille. Il a alors averti cette jeune femme juive et lui a fait de faux papiers. Le jour-même il arrangea sa fuite vers la Suisse, à l’abri.

Il a appris bien plus tard qu’elle était sauvée et avait retrouvé son mari après la guerre. Elle a eu son bébé, une petite fille, puis quelques années plus tard un fils. Ce sont ces enfants qui ont témoigné afin que mon arrière-grand-père reçoive le titre de JUSTE. 

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Je souhaite découvrir le pays.

 

 

Pauline LONGHI

24 ans, Factrice

 

 

Mon arrière-grand-mère, Jeanne Voinot et son mari Roger Voinot tenait une boulangerie à Avrolles (89), pendant la guerre. Ce métier lui a permis de connaître les familles du village, d'être appréciée par ces dernières de sorte qu'elle devenait une confidente et personne de confiance.

 

Pendant l'Occupation et les rafles dans le village d'Avrolles, les parents de Renée et sa petite sœur, de son vrai nom Rachel Cocotek, ont été déportes en camps de concentration. Renée qui était malade et hospitalisée, y a échappé. La voisine de Renée, Mme Ramot, a demandé à mes arrière-grands-parents d'accueillir une orpheline (en sous-entendant son origine juive).

Mon arrière-grand-père a répondu :

<< C'est une gamine. Elle a besoin de quelqu'un, on la prend ».

 

Âgée de 11 ans, Rachel est devenue Renée et a passé son enfance avec ma grand-mère Nicole et ma grande tante Reine. A la Libération, elle fut placée en foyer pour jeunes Juifs rescapés de la Grande Guerre situé en Normandie, et a retrouvé de la famille vivante, son grand-père à New-York.

 

Depuis ces années malheureuses, elle est restée en contact régulier avec mon arrière-grand-mère toujours vivante (102 ans) et le reste de ma famille. C'est également avec un grand plaisir qu'elle fait le voyage depuis New-York lorsque cela lui est possible, pour passer une semaine auprès de mon arrière-grand-mère.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Je souhaite découvrir le pays et voir comment les gens vivent en Israël suite à la Deuxième Guerre Mondiale.

 

 

Vanille FORGES

21 ans, Etudiante au CNAM

 

 

Histoire des familles Arnal et Blum

 

Début octobre 1941, Fritz Blum, Juif autrichien, se rend en Aveyron en quête de ravitaillement. Il y rencontre la famille Arnal, mes arrière-grands-parents : Emmanuel, Marie-Louise, et leurs 4 enfants Jean, Pierre, Ginette et Renée, ma grand-mère.

 

A partir de cette rencontre s’établiront des relations étroites entre les familles Arnal et Blum ainsi que sa fiancée Fanny et la mère de cette dernière, Rosa. Visites, services rendus, échanges de lettres et cadeaux remplissaient cette relation.

 

Dans un premier temps, Fritz effectuait le trajet de Graissessac (où il travaillait) jusqu’à Sylvanès à vélo afin de se ravitailler.

Fin 1942, la pression de la police de Vichy et des Allemands sur les Juifs s’intensifie. Fritz, Fanny et Rosa s’installent alors dans une maison de la famille Arnal.

En retrait de la zone littorale, à l’écart des grandes voies de communication, Fayet ne représente pas d’intérêt stratégique pour les occupants, et de toute la Guerre, ses habitants ne verront pas de soldats allemands.

La famille Arnal héberge les réfugiés dans une maison, la Periguille, à Sylvanès, petite commune à 3 km de Fayet.

Suite à une enquête préfectorale et une possible rafle, Fritz, Fanny et Rosa changent de refuge et vont alors dans une grange de la famille située sur la commune de Fayet, la Jasse.

 

Ma grand-mère et sa sœur leur portaient des provisions tous les jours et avaient pour consigne de répondre à ceux qui étaient curieux de savoir où elles se rendaient, qu’elles allaient chercher de l’herbe pour les lapins.

 

Fin décembre 1942, Fritz, Fanny et Rosa sont avisés de se rendre à Rodez afin d’être transférés en Corrèze.

Ils arrivent à Maussac le 8 janvier 1943.

Au printemps 1944 se déroule la rafle de Meymac-Maussac où les gendarmes français et les troupes d’occupation arrêtent sur liste plusieurs dizaines de Juifs dont Fanny et Rosa.

Elles seront déportées à Drancy avant d’arriver à Auschwitz d’où elles ne reviendront pas.

Fritz quant à lui, a pu échapper à cette rafle grâce à une bonne information.

 

A partir de cet instant, il vivra totalement dans la clandestinité, entrera dans la Résistance et rejoindra la demi-brigade de l’AS de Haute-Corrèze.

Il quitte l’armée en septembre 1944, à Dijon.

En 1948, il part pour le Canada avec sa nouvelle fiancée, Ida.

 

Cinquante ans après, en 1991, Fritz, alors âgé de 76 ans, reprend contact avec la famille Arnal.

Il effectuera une visite à Fayet en septembre 1997. Il décède en 2000.

 

Le 7 avril 2008, une cérémonie a eu lieu au cours de laquelle Mme Simone Frankel (Consul Général d’Israël à Marseille), a remis à titre posthume la Médaille des Justes parmi les Nations à Emmanuel et Marie-Louise Arnal pour avoir aidé la famille de Frédérick Blum en présence d’Alain Fouconnier (maire de St-Affrique) et Albert Seifer (délégué régional au Comité Français pour Yad Vashem).

 

Mon grand-cousin (cousin de ma mère), André Arnal, a écrit un livre « Des Juifs et des Justes » relatant l’histoire des deux familles. Cela m’a permis de disposer d’un grand nombre d’informations et ainsi de réellement comprendre ce qui s’est produit.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Je souhaite découvrir Israël.

 

 

Simon MILLET

18 ans, Etudiant

 

Pierre (Louis-Hyppolite) Convert, fils de Sabin Cyril Convert et de Marcelle, Marie JulienneAntoine-dit-Chevallon, 2ème fils d’une fratrie de sept enfants (Marie-Ange, Jacques, Jean-Baptiste, Paule, Jeanne et André), est né à Saint Etienne-du-Bois le 27 juin 1922.

 

Réfractaire au Service de Travail Obligatoire, Pierre « entre » au maquis en juin 1943, Sous-lieutenant, Réseau Action R.I. – DMR, sous le pseudo de Bernard Cortier. Il fait partie du groupement sud des F.F.I. de l’Ain (Neuville-sur-Ain, vallée de l’Ain jusqu’à Serrières-sur-Ain, Maillat, le Valromey et Hauteville).

 

Il se lie d’amitié avec la famille JAKUBOWITZ (en particulier avec Filip, du même âge que lui et qui participera quelques mois au maquis, où Pierre en nettoyant une « Sten » a failli le blesser), qui fuyant la Belgique lors de l’invasion des nazis en mai 1940, se retrouve après « quelques péripéties » à Saint-Etienne-du-Bois, locataire chez Niergue. Le père étant décédé, la mère doit s’occuper de ses enfants, Lisa, Filip, Charlotte, Adèle et Léopold qui obtiendront de fausses cartes d’identité, grâce à Pierre, au nom de son propre grand-père Chevallon. Pierre demande également à sa mère de ravitailler la famille. Juin 1944, Pierre les prévient d’un danger imminent de représailles, ce qui leur sauvera de nouveau la vie.

 

Mais le 12 juillet 1944, à Maillat (01430), Pierre, pris les armes à la main, est lâchement tué par des balles allemandes, ainsi que Robert Mordas.

 

 

Jérusalem, le 11 mars 2010. Yad Vashem décerne le titre de « Juste parmi les Nations » à Pierre Convert, pour avoir aidé à ses risques et périls, des Juifs pourchassés pendant l’Occupation. Une tradition juive millénaire qualifie de « Juste» tout être humain qui sauvegarde la vie et le bien-être des faibles et des opprimés. Le 19 août 1953, est crée, à Jérusalem, l’Institut Commémoratif des Martyrs et des Héros de la Shoah – Yad Vashem- un nom tiré du chapitre 56.5 du Prophète Isaïe : « et je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un mémorial (YAD) et un nom (Shem) qui ne seront pas effacés ».

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Je souhaite prendre connaissance de l'histoire.

 

 

Benjamin MICHELLIER

26 ANS, Ebéniste

 

Je suis le petit-neveu de Sœur Marie-Emilienne, qui était la cousine germaine de mon grand-père paternel, Privat PEYTAVIN.

 

A 18 ans, elle est devenue religieuse chez les Sœurs de la Providence à Mende en Lozère. Elle avait 21 ans quand Gaby (2 ans et 1/2 ) et sa grande sœur ont été confiées à la Communauté. C’était en 1943.

Cette relation est restée cachée, sur les conseils du Père aumônier Joseph Caupert. Sœur Emilienne a gardé son secret jusqu’en 1997, quand Gaby l’a retrouvée. Cette nouvelle inattendue a vraiment marqué la famille, impressionnée et fière du courage de Sœur Emilienne.

 

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage?

Mon oncle et ma tante ont fait le voyage en 2011 jusqu’à Jérusalem, pour accompagner Emilienne à la Cérémonie des Justes à Yad Vashem. C'est ce qui m’a permis de connaître l’histoire et j’ai eu envie d’en savoir plus. En effet, j’ai toujours été intéressé par la Seconde Guerre Mondiale, et d’apprendre qu’un membre de ma famille a lutté contre la barbarie m’a rendu d’autant plus fier, lorsque j’en ai parlé avec mes amis et avec ma famille.

 

 

François-Xavier CAILLET

28 ans, Saxophoniste Concertiste 

 

 

Personnes sauvées :

-       M. Léo Roger GOLDBERG

-       M. Simon BOMBLATT

-       Mme Gitle BOMBLATT

-       M. Henri BOMBLATT

-       Mme Suzanne FRIDMAN (née BOMBLATT)

-       Mme Sophie GOLDBERG (née KLEBANOFF)

-       M. Armand KLEBANOFF

-       Mme Adèle KLEBANOFF

 

L’histoire

 

Armandine et Ferdinand Chassaing tenaient un commerce à Montsûrs (Mayenne).

Ferdinand, ancien combattant de 1914-1918, avait été décoré de la Croix-de-Guerre avec plusieurs étoiles et de la Médaille Militaire pour sa bravoure sur le champ de bataille. Il renouvela son engagement patriotique sous l’Occupation allemande.

 

En 1941, la police française vint arrêter M. Bomblatt, Juif de nationalité étrangère, résidant dans la région parisienne. Il réussit à échapper à l’arrestation et partit se réfugier à Montsûrs où il se lia aux Chassaing.

A cette même époque, la maison du couple fut réquisitionnée par  la Kommandantur locale et des soldats allemands logeaient chez eux. La commune abritait aussi un camp de repos pour les troupes allemandes qui revenaient du Front de l’Est et comprenait un camp d’internement pour Tziganes.

La présence constante des Allemands dans le village et les dangers courus par ceux qui aidaient les Juifs, n’ont pas empêché les Chassaing de venir en aide à 3 familles juives, dont les Bomblatt.

Amandine se proposa pour faire le voyage de Montsûrs à Paris et y ramener les 2 plus jeunes enfants Bomblatt pour la période des vacances, leur père étant dans l’impossibilité de se déplacer.

Elle arriva à leur domicile parisien le 16 juillet 1942, au matin funeste de la grande Rafle du Vel’ d’Hiv’ qui battait son plein. Elle eut juste le temps d’arracher les deux enfants aux griffes de la police alors que leurs deux grandes sœurs étaient arrêtées et déportées dans l’Est où elles furent mises à mort.

Leur mère réussit à s’échapper et vint rejoindre ses proches à Montsûrs. Les Chassaing leur trouvèrent où loger dans une petite maison de la commune et les prirent sous leur protection. Ils subvinrent à tous leurs besoins à titre gracieux et assurèrent autour d’eux une ceinture de sécurité, donnant ainsi l’exemple aux autres habitants.

Deux familles juives supplémentaires, les Klebanoff et les Goldberg, vinrent par la suite rejoindre les Bomblatt. Elles aussi bénéficièrent de la protection et de la générosité des Chassaing qui étaient motivés par la haine de l’occupant et l’attachement aux valeurs républicaines.

 

Le 31 décembre 2003, Yad Vashem a décerné à Armandine et Ferdinand Chassaing le titre de Juste parmi les Nations.

 

Pourquoi avez-vous accepté de faire ce voyage ?

Je ne connais pas Israël mais j'ai très envie de connaitre la famille rescapée et de visiter le pays.