Vingt descendants de Justes français ont été invités à participer au voyage "Mémoires de Justes", organisé par la Fondation France Israël, du 17 au 22 avril prochain. Ils feront partie de la troisième délégation d'"Ambassadeurs de la mémoire" à se rendre en Israël, à l'occasion des cérémonies de commémoration de la Shoah, pour transmettre leur histoire.

 

Les membres de la délégation ont été identifiés grâce au concours du Comité français de Yad Vashem.

Sarah Argaud-Duron - 27 ans

Arrière petite fille de Daniel et Evodie DURON - JONAC

 

J’ai appris que ma famille DURON avait caché une famille juive pendant la seconde guerre mondiale lorsque la médaille des Justes lui a été décernée en juin 2010. Mon père a représenté mes arrières grands-parents, Daniel et Evodie DURON-JONAC (décédés), reconnus comme « Justes parmi les nations » par YAD VASHEM. Daniel et Evodie Duron-Jonac ont accueillis la famille Weill, de l’automne 1943 jusqu’à la fin de la guerre, dans le village du Mazelgirard en Haute-Loire.

La famille Weill, composée de 4 enfants (3) jeunes garçons et un bébé, vagabondait depuis l’Alsace dans le Midi. En arrivant dans le Sud, les Weill ont entendu dire que la région du Plateau en Haute-Loire était accueillante pour les réfugiés juifs. C’est ainsi qu’elle s’est déplacée jusqu’à Tence, logée par une famille qui travaillait dans la menuiserie du village. Le village de Tence étant de religion catholique, les Juifs n’étaient pas très en sécurité. Il leur fallait donc trouver un autre lieu de refuge. Les enfants Weill étant louveteaux, leur monitrice Louise Astor les avait orientés au Mazelgirard chez mes arrières grands-parents et la tante Esther Jonac, sœur de mon arrière-grand-mère.

Ils vivaient dans une ferme à côté de laquelle une maison appartenant à mes grands-parents maternels (Jonac), décédés en 1939, était vide. Lorsque mes arrières grands-parents ont appris que les Weill avaient besoin d’aide et d’un lieu où se cacher, ils leur ont proposé de s’installer dans la maison mitoyenne à la leur. C’est ainsi que les deux familles ont partagé plusieurs mois une certaine proximité. Ils partageaient la même cour intérieure, les enfants y jouaient. Ma famille travaillait à la ferme et leur faisait bénéficier dans les premiers temps des produits de base (pommes de terre, œufs, lait, etc.)

Les Weill étaient reconnaissants de ce logement qui était plus spacieux que celui de Tence. En entrant pour la première fois dans cette maison, ils ont vu une vieille Bible hébraïque (celle du grand-père maternel Jonac) posée sur la table ouverte au livre de la Genèse. A travers elle, ils ont senti « la main de Dieu qui les avait conduis dans cette maison ». Au cours de ces mois de refuge, il était important que la famille Weill soit discrète aussi bien dans le village que dans ceux avoisinants. C’est pourquoi, les noms des enfants avaient été changés. Dès le premier jour d’école, le plus jeune fils s’était trompé et avait donné son vrai nom. Il n’y a jamais eu de conséquence à ce manquement.
Sur le Plateau, les Juifs ne craignaient pas les soldats allemands. Les seuls Allemands présents n’attaquaient pas les villages. Ils étaient là dans le cadre d’une permission de santé. En revanche, la Gestapo était présente, il fallait donc être prudent. C’est pourquoi, la famille Weill avait rapidement repéré les lieux de la maison pour s’échapper en cas de danger. L’arrière de l’appartement donnait sur un champ et un bois, en cas de problème, la famille pouvait ainsi s’enfuir par la fenêtre.

L’un des enfants des parents Weill, prénommé Francis, avait à cette époque le même âge que mon grand-oncle Dany Duron. Ils avaient 7-8 ans, jouaient ensemble et allaient à la même école. Aujourd’hui, mon oncle est encore en contact avec Francis Weill. Mon oncle m’a dit que depuis cette époque, ils étaient liés d’amitié et d’affection.

C’est auprès de ce grand oncle Dany que j’ai pris connaissance de cette histoire. Ayant vécu cela de près et étant lié d’amitié avec Francis Weill, il était honoré de pouvoir me transmettre ce qu’il savait. Mes arrières grands-parents et leurs six enfants se sont toujours montrés très discrets sur cette période de leur histoire. Ces six enfants, toujours vivants, l’abordent encore aujourd’hui avec pudeur et humilité. Ils ne veulent pas en faire un sujet de glorification, c’était avant tout un moyen de témoigner de leur foi.

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


Depuis mes années de collège, je m’intéresse beaucoup à la période de la seconde guerre mondiale. C’est une époque de notre histoire qui m’émeut toujours autant et qui ne cessera de me questionner. À travers des documentaires et des lectures, j’ai cherché à mieux connaître ces temps d’occupation, de résistance, de camps de concentration, etc.
Avec mon papa, nous parlions régulièrement de partir en Israël. Nous étions d’autant plus motivés qu’un de nos amis, d’origine juive, avait fait ce voyage et en été revenu émerveillé et enrichi. Lorsque l’opportunité de participer à ce voyage de mémoire s’est présentée à moi, je n’ai pas hésité un seul instant pour faire part de ma motivation. Je suis une personne qui aime vivre de nouvelles expériences d’autant plus quand elles sont atypiques et qu’elles ne se présentent que très rarement. Je vois ce voyage comme un moyen de plus dans ma vie pour m’enrichir et me faire grandir ; également pour aller à la rencontre d’un peuple et d’une culture.

Et enfin, je suis d’autant plus heureuse de partir à Jérusalem que Francis Weill, enfant caché par mes arrières grands-parents, y a un pied-à-terre. Je suis honorée de pouvoir aller à sa rencontre. Je trouve cela merveilleux qu’après tant d’années, les générations se retrouvent pour partager une même histoire.
J’en profite pour remercier la Fondation France Israël d’organiser ce voyage de mémoire. Cette époque de notre histoire a laissé des traces dans les mémoires de ceux qui l’ont vécu de près mais aussi dans les esprits des générations qui ont suivi. Je suis très fière de ce que ma famille a fait avec les moyens qu’elle avait. Je souhaite de tout cœur partager cela avec mes futurs enfants.

Mathieu Dalesme - 26 ans

Petit-fils de Joséphine et Joseph DALESME et petit- neveu de  Marcel  DALESME

 

Mes grands-parents, Joseph Dalesme (27/12/1898 – 14/05/1974) et Joséphine Kerembellec son épouse (05/03/1918 - 12/05/2009),  sont malheureusement décédés ainsi que mon grand-oncle Marcel Dalesme (10/01/1895- 21/07/1981). Je n'ai connu que ma grand-mère mais c'est avec mes oncles que j’apprendrai ce qu'ont accompli mes grands-parents et mon grand-oncle  pendant cette période.

Sous l'occupation, mon Grand-père était secrétaire de Mairie tout comme Madame Paulette Claude. Mon grand-oncle était maire adjoint de la commune de Coulounieix. Avec le Maire, Léo Larouche, ils désapprouvaient l'invasion des Allemands et condamnaient la persécution des personnes qui n'avaient pour seul tort que d'être né Juifs. Ils vont donc mettre en place un réseau, avec leurs voisins, pour aider la communauté juive. Madame Claude va fournir des cartes d'identités aux persécutés.
 
Fin 1943, quand la zone libre devient occupée, les Allemands viennent souvent à Coulounieix-Chamiers pour rechercher des maquisards. Mon grand-père et son frère  vont à chaque fois prévenir les différentes familles dont celle de Michel Sajovic. Originaire d'Alsace, celui-ci à eu 7 enfants dont 5 que j'ai eu l'honneur de rencontrer lors  de la cérémonie de remise de la Médaille et du Diplôme de « Juste parmi les Nations » à mes grands-parents, qui a eu lieu le 14 juin 2009.
 
Les familles Sajovic, Lissek et Chesinski, vont donc se cacher chez mes grands-parents durant la guerre. Ma grand-mère préparait essentiellement les repas et le midi, l’un des fils de Michel Sajovic, Marcel, qui était à l'école de Coulounieix venait manger aussi. Chez  mes grands-parents, ils résidaient dans un garage fabriqué en bois,  situé entre la maison et l'étable. Ce garage disposait d’une porte dissimulée dans la façade pour que personne ne puisse la remarquer.
 
Suite à une délation, les Allemands se sont rendus à Coulounieix pour arrêter les maquisards. Ils ont réuni tous les habitants sur la place et les ont alignés en attendant que quelqu’un parle. Alors que personne ne prenant la parole, les Allemands allaient s’apprêter à tirer, un officier allemand arriva sur une moto et demanda de stopper l’exécution. Visiblement, quelque chose de très important venait de se passer et ils avaient besoin de tous les hommes. Après cet épisode, les Allemands ne sont jamais revenus.
 
À la fin de la guerre, la famille Sajovic n’est pas rentrée en Alsace et s'est installée à Périgueux. Aujourd'hui, certains membres de la famille Sajovic vivent à Paris. Ma tante Michèle et mon oncle Abel, dés qu’ils voyagent à Paris, leur rendent visite et communique aussi avec eux sur Internet.
 
Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


Depuis que nous savons que les noms de mes grands-parents et de mon grand-oncle sont gravés à jamais sur le Mur d'Honneur dans le Jardin des Justes parmi les Nations à Yad Vashem , nous voulons avec ma cousine Élodie qui à le même âge que moi, partir en voyage à Jérusalem. C’est pour nous un immense honneur d'être les petits-enfants de grands-parents qui ont contribué, à leur manière, à aider des personnes dans une telle situation.
 
Je veux rendre hommage à toutes ces personnes exceptionnelles qui sont pour nous un exemple de générosité et de bonté, qui ont donné de leur personne aux autres sans aucune appréhension et aucun rejet. C'est un devoir de mémoire de perpétuer et de raconter cette période de l'histoire pour ne jamais oublier.
 
Ce sera aussi un grand moment de découvrir un pays, une région, une ville,  des lieux exceptionnels qui sont chargés d'histoire et surtout de les découvrir dans ces conditions.
 
C'est incroyable ! Je ne peux m'empêché d'avoir une immense fierté de représenter ma famille et de pouvoir rencontrer d'autres personnes et d'en apprendre beaucoup plus sur  cette période avec eux.

Amélie Lafon - 30 ans

Arrière petite fille de Léonie et Gabriel MAGIMEL


Je n’ai pas connu mon arrière-grand-père maternel, Gabriel Magimel, décédé avant ma naissance. En revanche, j’ai eu la chance de partager quelques années de mon enfance avec sa femme Léonie Magimel, mon arrière-grand-mère, aujourd’hui décédée elle aussi.

Quoi qu’il en soit, je connais leur histoire depuis que je suis toute petite car elle fait partie intégrante de celle de ma famille.

 

Mes arrière-grands-parents avaient une ferme, Parayre, dans la campagne lot-et-garonnaise entre les villages de Gavaudun et Lacapelle-Biron. Ils faisaient partie de ces personnes qui refusent l’injustice et l’intolérance. C’est pourquoi ils ont accepté, sans hésiter, d’accueillir chez eux M. Huna Sin Blima durant la guerre, tout naturellement, comme une évidence.

 

Huna était tailleur pour hommes et dames à Paris jusqu’en 1940 où lui et sa famille (Olga sa femme, Hélène et Gilbert leurs 2 enfants) durent fuir la capitale. C’est la présence d’un parent à Lacapelle-Biron qui les conduisit dans ce village du nord-est du Lot-et-Garonne. Ils s’installèrent dans une maison au cœur du village et Huna put reprendre son activité jusqu’en 1943 où la « chasse aux Juifs » se fit plus pressante.

 

Un jour, des gendarmes frappèrent à la porte de leur maison. Après s’être caché dans un débarras du magasin pour leur échapper, Huna partit au hasard sur les routes pour fuir le village; il était évident qu’il n’était plus en sécurité dans leur maison du bourg.

 

Il fut recueilli non loin de là par Louis Balse et sa femme Henriette qui le cachèrent dans leur moulin. Sa santé se fragilisant, Huna dut faire appel aux soins du Docteur Baud, le médecin du village. L’environnement du moulin, au-dessous duquel passait l’eau, n’arrangeait pas la situation. De son côté, Olga Sin Blima redoutait le retour des gendarmes dans leur maison. Elle se souvint de la proposition d’aide de mon arrière-grand-mère, Léonie Magimel, quelques temps auparavant « en cas d’ennuis » et lui demanda s’ils étaient toujours d’accord pour héberger son mari. 

 

C’est ainsi qu’arriva Huna à Parayre, conduit en cachette par le Docteur Baud. Protégé par mes arrière-grands-parents et l’ensemble de leurs voisins très discrets, Huna aida aux travaux des champs et confectionna, en guise de remerciement des vêtements pour toute la famille. Son séjour dura jusqu’à la libération de Paris en Août 1944.

Il n’a jamais été question de contrepartie financière, Huna ayant été considéré très vite comme un membre de la famille.

 

Depuis ce temps, des liens très forts unissent les familles Sin Blima et Magimel. Même après la mort de Huna et Olga, les deux familles sont restées très proches. Leur fils Gilbert, qui s’était lié d’amitié avec les enfants de Léonie et Gabriel (mon oncle René, ma grand-mère Reine et ma tante Paulette) continue de venir en vacances à Lacapelle-Biron ainsi que ses filles Martine et Denise. Pour reprendre ses mots : « Ma proximité particulière avec les Magimel m’a permis de passer du statut d’ami à celui de cousin éloigné par la parenté mais proche par le cœur. »

 

Mes arrière-grands-parents Léonie et Gabriel Magimel (représentés par ma grand-mère Reine et ma tante Paulette) ainsi que le docteur Louis Baud (représenté par sa petite-fille Renée Trastour) ont reçu la médaille des Justes parmi les Nations à titre posthume le 31 octobre 2011 à la salle polyvalente de Lacapelle-Biron. 

C’est à cet endroit que 67 ans plus tôt, le 21 mai 1944, les hommes du village furent rassemblés par la division SS Das Reich de Bordeaux. Lors de cette rafle,  47 hommes furent déportés, 23 ne revinrent jamais à Lacapelle-Biron.

 

Lors de cette cérémonie, étaient présents Gilbert Sin Blima, dont le témoignage a permis cette reconnaissance à mes arrière-grands-parents, ainsi que de nombreux enfants et petits-enfants des familles concernées. Ce moment si important et émouvant l’était d’autant plus que ce jour-là était également le jour du 80e anniversaire de ma grand-mère Reine.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ? 

 

L’histoire de mes arrière-grands-parents, Léonie et Gabriel Magimel, cachant un Juif dans leur ferme est une histoire que j’ai toujours entendue dans ma famille mais toujours racontée comme quelque chose de normal, d’évident, sans jamais faire d’eux des « héros ».

 

J’ai grandi dans un village marqué à jamais par cette période tragique de l’histoire : 47 hommes du village ont été raflés, la moitié seulement est revenue. J’ai grandi dans ce village, devant le monument honorant la mémoire de tous les déportés du Lot-et-Garonne qui moururent dans les camps de concentration. J’ai grandi avec ce devoir de mémoire, sans cesse rappelé par cette pierre de marbre portant à bout de bras le nom des victimes et par l’histoire de Léonie et Gabriel refusant l’injustice, le racisme et le fascisme. Mais à la question « qu’aurais-je fait à leur place ? Comment aurait-on agi en temps de guerre dans cette situation ?», j’ai toujours été incapable de répondre honnêtement. Bien sûr, j’aimerais pouvoir affirmer que j’aurais agi de même que mes arrière-grands-parents. Mais à vrai dire, qu’en sais-je exactement ?

 

Ce voyage sera tout d’abord l’occasion de rendre hommage à ceux qui ne se sont pas posés de questions au moment voulu, qui ont fait « juste leur devoir ». Par leur acte courageux, comme celui de beaucoup d’autres, ils ont fait en sorte qu’aujourd’hui je n’ai pas à me demander ce que j’aurais fait à leur place. Grâce à eux, je n’ai pas de question à me poser lorsque s’offre à moi l’opportunité d’effectuer un voyage en Israël.

 

Ensuite, pour ma grand-mère Reine, une des trois enfants de Gabriel et Léonie Magimel. C’est une personne qui compte énormément pour moi. Je sais qu’elle est très fière, avec sa sœur, d’avoir pu obtenir une telle reconnaissance pour ses parents. Je serais fière à mon tour de pouvoir me rendre sur les lieux où figure le nom de ses parents et lui raconter ce que j’y ai vu. Elle aimerait beaucoup faire ce voyage elle aussi ! D’une manière plus large, ce serait un honneur pour moi de représenter toute ma famille lors de ce voyage. En effet, comme je l’évoquais, l’histoire de mes arrière-grands-parents et celle des Sin Blima est avant tout une histoire de famille. L’histoire d’une grande famille qu’il nous faut continuer d’écrire jour après jour.

 

Participer à ce voyage me permettra de rencontrer d’autres descendants de Justes, de partager avec eux nos différentes histoires. En effet, j’ai toujours aimé faire de nouvelles rencontres, échanger, apprendre des autres…je pense que ce n’est pas par hasard ! Ce sera enfin une très belle opportunité de découvrir un pays et une culture que je ne connais pas ou très peu. Je pourrais résumer en disant simplement que ce voyage sera un vrai cadeau, une réelle chance pour moi mais aussi un devoir : Devoir envers mes arrière-grands-parents, pour continuer à honorer leur acte de bravoure ; Devoir de mémoire, pour que l’on n’oublie jamais ce qui s’est passé et que l’on continue toujours de résister contre l’injustice. »


Julie Travert - 26 ans

Arrière petit fille de Jeanne et Rolland RICORDEAU

Au début de la seconde guerre mondiale, mes arrières grands-parents, Jeanne et Roland Ricordeau, étaient tous deux instituteurs à Berjou dans l’Orne, où ils vivaient avec leurs trois enfants : Annette (ma grand-mère maternelle), Jean-Louis et Michel. Comme souvent à l’époque, Roland occupait également les fonctions de secrétaire de mairie.
Tous deux étaient anciens scouts aux éclaireurs de France et partageaient les mêmes idéaux. Ils contestaient les décisions du gouvernement de Vichy et n’acceptaient pas la collaboration avec les nazis.

Grâce à son poste à la mairie, Roland commença rapidement à établir de faux papiers pour les réfugiés et les résistants. Il devint, en octobre 1943, responsable régional pour la coordination clandestine des organisations de jeunesse en vue du futur débarquement allié. Le couple Ricordeau entra alors dans les réseaux de résistance tandis qu’une partie de l’Etat Major de Rommel était installée dans le village. Ils organisèrent, avec leurs compagnons de résistance, une filière entre Paris et le département de l’Orne pour permettre à de jeunes enfants d’éviter les rafles. Ainsi, à tour de rôle, ils ramenèrent des groupes de six à huit enfants que les assistantes sociales juives avaient fait évader de Drancy.
Grâce au secrétariat de la mairie, ils fournirent de faux papiers et de nouvelles identités à ces enfants et les placèrent dans des familles à trente kilomètres à la ronde, leurs parents ayant été déportés.

C’est l’histoire qu’a vécu Salomon Pelzman alors âgé de 12 ans. Ses parents furent arrêtés en octobre 1943, emmenés à Drancy, puis déportés sans retour à Auschwitz. Son grand frère Alex alla dans un centre de formation pour apprentis à l’ORT puis fut déporté à Buchenwald. Salomon fut donc pris en charge par la famille Ricordeau et rebaptisé « Henri ». Il fréquenta le collège de La Ferté-Macé, obtint son brevet et réussit le concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Caen.

Jeanne et Roland s’installèrent à Houlgate après la guerre, avec leurs trois enfants et Salomon-Henri. Il réussit son baccalauréat et devint enseignant. C’est à ce jour, selon Yad Vashem, le seul cas connu d’une famille ayant élevé un enfant juif jusqu’à sa majorité, les autres enfants rejoignant des membres de leur famille ou un orphelinat à la fin de la guerre.
Alex, le frère de Salomon-Henri, reviendra en 1945, seul survivant de son école du camp de Buchenwald, et sera lui aussi accueilli par la famille pendant plusieurs mois.

Après s’être dépensés sans compter pendant les combats de la Libération pour assurer le ravitaillement des habitants de la commune, Roland et Jeanne passeront leur vie à s’engager au profit de la jeunesse. Roland est nommé en 1949 inspecteur de la Jeunesse et des Sports, puis intègrera ce ministère en 1958, chargé des colonies de vacances. Il prendra sa retraite en 1975 à Omonville-la-Rogue où il sera élu maire en 1977 et le restera jusqu’à son décès en 1984.

Cette histoire m’a souvent été contée par ma grand-mère, qui se remémorait ses souvenirs d’enfant, retrouvant chaque fois de nouvelles anecdotes. J’ai toujours été fascinée par le courage et l’engagement de ma famille. Je sais aussi qu’elle n’a cessé de garder contact avec Alex jusqu’à aujourd’hui.
Lors de la remise de la médaille des Justes à Jeanne et Roland Ricordeau, le 18 septembre 2011, Alex et le fils de Salomon, José, étaient présents. C’est aussi en voyant la gratitude dans leurs regards que ces actes héroïques ont pris tout leur sens…

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


L’occasion qui m’est donnée de faire ce voyage est pour moi un honneur et une véritable fierté. En effet, mes arrières grands-parents ont accompli des actes héroïques au péril de leur vie et de manière complètement désintéressée. A titre posthume, une médaille leur a été remise en remerciements de leurs actions et je souhaite aujourd’hui pouvoir leur rendre hommage, au nom de toute ma famille, en allant rencontrer ces personnes pour qui ils ont compté, ce peuple pour lequel ils se sont battus. Je ne sais pas si j’aurais eu leur courage, confrontée à leur situation et pour cela ils auront toujours mon admiration.

Par ailleurs, je serai vraiment intéressée d’être en contact avec des Israéliens, de découvrir leur culture, leur histoire, ainsi que leurs points de vue sur des sujets qui nous ont tous marqués.

Jeanne Longhi - 18 ans

Arrière-petite-fille de Jeanne et Roger VOINOT



Roger Voinot, né le 13 janvier 1913, épouse en 1936 Jeanne Viard née le 21 février 1912. De cette union naîtra Nicole le 26 décembre 1936.

Le couple Voinot était à l'époque boulanger dans le village d'Avrolles dans l'Yonne. Le village d’Avrolles était occupé par les Allemands durant l'occupation. Mes arrières grands parents ont donc subi une forte pression. C'est une femme d’Avrolles, mais travaillant à Paris, qui s’est rendue au village pour trouver une famille où la petite Rachel (11 ans) pourrait se cacher.

En entrant dans la boulangerie, elle s'adressa à Roger : " Vous ne connaîtriez pas des gens qui pourraient héberger une petite fille ?". Celui-ci répondit " Bah amenez la, on verra bien !". Choses dites, choses faites. Quelque temps après, cette femme se représenta à la boulangerie. Voyant la petite fille, Jeanne et Roger fit un acte qu'ils qualifièrent de normal, ils la prirent  sous leurs ailles!

Rachel était choyée, aimée et éduquée. Nicole la considérait comme sa sœur. Elle prenait des cours à la radio jusqu'a que la femme du professeur de l'école se présenta à la boulangerie pour savoir " pourquoi cette enfant n'était-elle pas à l'école ?". Jeanne inventa une excuse : "On attend sa marraine qui doit la récupérer !"  Le lendemain, elle se représenta affirmant avoir compris. Rachel Kokoteck fut renommée Renée Cocoten, nom à consonance moins juive pour l'époque. Elle put aller à l'école et obtenir son certificat d'études.

Rachel est restée trois ans et demi à Avrolles au sein de sa nouvelle famille, puis elle partit en Normandie dans une association pour les enfants juifs rescapés de ce génocide. Rachel prit le bateau en mars 1947 pour les États-Unis, là où l'attendaient son grand-père, ses oncles et ses tantes.

Aujourd'hui, elle vit toujours de l'autre côté de l'Atlantique. Elle a donné la vie à trois enfants et compte cinq petits-enfants. Renée est toujours en contact avec la famille et assistera aux 100 ans de mon arrière-grand-mère, Jeanne, dans quelques jours. Dès ma plus tendre enfance j'ai su que mes arrières grands-parents étaient des héros, ayant eu connaissance de quelques faits de résistances, mais c'est à la cérémonie de remise de la médaille des Justes, de la Légion d'honneur et de la médaille de Saint-Florentin, que je me suis aperçue du réel héroïsme dont ils ont fait preuve. C'est avec émotion que ma sœur et moi avons lu un poème en leur honneur.  

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


 Je porte le même prénom que mon arrière-grand-mère et  c’est avec fierté que je le porte depuis 18 ans et que je le porterai en Israël. Mon arrière grand-mère et mon arrière grand-père sont mes Justes parmi les Nations. Jeanne est encore en vie. Malheureusement, Roger étant décédé en 1991, je n'ai pas eu la joie de le connaître.

Je suis honorée de pouvoir participer à ce voyage en Israel car c'est après s’être rendue en Israël, à Yad Vashem, que Rachel Sameroff, l'enfant juive sauvée par mes arrières grands-parents, a jugé que ces derniers méritaient cette distinction. Je voudrais à mon tour voir le monument où est gravé le nom de ces sauveurs ! Ce sera comme leur rendre hommage et leur prouver mon plus grand respect face à leur courage et leur dévouement pour sauver celle qui est maintenant considérée comme un membre de la famille. En me permettant de participer à ce voyage, la Fondation France Israël permet à mes yeux d'être ceux de toute la famille...

Lucie Dersoir - 31 ans

Arrière petite fille de Jean et Joséphine GAULTIER 

En 1942, François Rosenthal qui a alors 9 ans, est placé avec son frère chez une femme de La Prévière (Maine et Loire) par l’Œuvre de Secours aux Enfants. Il n’est pas heureux chez cette femme, ne se sent pas bien traité. Chaque jour, il se rend avec grand plaisir dans une ferme du village pour y chercher du lait. Il s’attache rapidement à la famille Gaultier, surtout aux deux filles, Marie et Yvonne. Régulièrement, il demande à aller vivre chez eux.

Jean et Joséphine Gaultier finissent par accepter de l’accueillir à la Gautrie et ils demandent à une voisine de prendre avec elle son frère André. François se sent accueilli comme le quatrième enfant de la famille. Il participe à la vie de la ferme, va à l’école...Il  retrouve de temps en temps, à la Gautrie, son frère ainsi que ses deux sœurs placées elles aussi non loin de là.

François est resté avec la famille Gaultier jusqu’en 1945 avant de retrouver ses frères et sœurs ainsi que son père qui avait réussi à s’échapper des camps.


Oriane-Laure Lanier - 25 ans

Petite fille de Roger et Daisy LANIER 

En octobre 1994, ils ont reçu la distinction de Justes parmi les Nations, décernée par l’Etat d’Israël à ceux qui, au risque de leur vie, ont caché et épargné de la barbarie nazie des Juifs. Mon grand père Roger est décédé en 1995. J’avais alors 8 ans. Ma grand mère Daisy est partie en 2000 quand j’avais 13 ans. Bien que je fusse souvent avec eux, ils parlaient très peu de cette période sauf avec leurs enfants Gérard et Michel sans oublier Monique, la fille de leurs amis.

C’est surtout par mon père et lors de mes cours d’histoire à l’école que j’ai pu prendre connaissance de leur histoire et de leurs actes. Et c’est par le témoignage de mon père que je les relaterai. Mes grands-parents, interrogés sur leur attitude, répondaient  habituellement « parce que c’étaient eux parce que c’étaient nous » sans autres justifications.  Ils ont caché Sore et Isaac Taklender (prenant le nouveau nom de Christiane et Emile) pendant deux ans chez eux.

Sore Gordon, née  à Vilna en Lituanie, était une personne discrète, comme le sont souvent les gens dont l’accent trahit les origines. Quand les mots sont rares, ils sont d’autant plus riches. Son indéfectible amitié n’a jamais  été contredite par les faits. Isaac Taklender, né à Lublin Pologne, tailleur de son métier,  venu en France pour fuir les pogroms, était  un personnage  haut  en couleurs. Il parlait souvent de façon imagée, dans un langage  qui  mariait le Français et le Yiddish, et évoquait avec humour et dérision le « spiele » de la vie. Toute sa vie, il laissa libre cours à sa générosité ….

Pendant les deux premières années de l'Occupation allemande, chaque fois que le bruit courait qu'une rafle était imminente, Isaac et Sore allaient se cacher, avec d'autres Juifs, dans la cave d'un immeuble voisin. Ils y restaient parfois plusieurs jours jusqu'à ce que le danger soit écarté. L’un de leurs voisins, ému par leur situation dramatique, fit appel à son neveu, Roger Lanier, un officier de police. Le 16 juillet 1942, jour de la grande rafle des Juifs parisiens, Roger arriva très tôt le matin chez les Taklender et leur dit de le suivre tout de suite, leur disant « faites vite votre baluchon à quatre pointes ».

Lorsque les policiers se présentèrent à leur domicile pour les arrêter, ils étaient déjà à Courbevoie, prés de Paris. C'est là que vivaient les Lanier : Roger, sa femme Daisy et leur petit garçon Gérard (né le 8 février 1942) dans un deux-pièces où la vie s’organisa tant bien que mal. Pour le ravitaillement, Roger s’organisait avec ses parents habitant au troisième étage de leur immeuble.

Fille d’immigré  italien (Marella) et  de descendance  irlandaise  (Bates), Daisy  entra dés l’âge de 12 ans dans la vie active. Son parcours  fut jalonné  de travail et d’abnégation mais  aussi de chaleur familiale, d’écoute  empathique et surtout  de beaucoup d’amour.
Roger, fils d’une immigrée italienne (Belloni) et d’un bourguignon (Lanier), eut la chance  de faire des études. Officier de police, il révéla sa dimension humaine en prévenant de leur arrestation imminente des Juifs, des communistes et des  résistants. Il leur fabriqua de fausses cartes d’identités et procura des tickets d’alimentation à toute la famille de Sore et Isaac. Mais il connu aussi la délation et la traque.

Les Taklender demeurèrent chez leurs sauveurs jusqu'à la Libération en août 1944. Mes grands-parents prenaient ainsi d'énormes risques. Roger aurait perdu son poste et aurait certainement été lui-même arrêté ainsi que sa famille si les fugitifs avaient été découverts. Au bout de quelques mois, conscients du danger que leur présence représentait pour leurs hôtes, Isaac et Sore décidèrent de rentrer à Paris. Roger ne voulut rien entendre, les menaçant de son révolver de service.

Quand Isaac ne pouvait plus rester enfermé, la nuit mon grand-père l’accompagnait faire le tour du quartier pour en « griller une », lui faisant porter l’étoile jaune…qui finalement le protégeait. Il pouvait dire ainsi s’il rencontrait des personnes qu’il conduisait un Juif au commissariat puisqu’il était policier. Lorsque leurs hôtes avaient des visiteurs, les Taklender allaient se cacher sous un lit où dans un appartement vide du deuxième étage. Sore et Isaac continuaient à confectionner des vêtements tailleurs et autres redingotes.

Daisy Lanier se chargeait d'aller les livrer à Paris. C'était un dur labeur mais les réfugiés pouvaient ainsi gagner un peu d'argent et payer leur écot. Leur présence chez les Lanier était gardée secrète. Par ailleurs, Roger Lanier prévenait, quand il le pouvait, d'autres Juifs parisiens menacés d'arrestation et allait jusqu'à leur apporter parfois un peu de ravitaillement dans leurs cachettes. Mais face à sa conscience, à un moment donné, il dû quitter la police aux ordres de l’Etat vichyste et alla se cacher quelques temps chez son oncle. Il fut considéré comme déserteur et à ce titre, sa famille eut droit à la visite de la police française flanquée de la Gestapo.Il fut réintégré dans ses fonctions, lors de la libération de Paris, à laquelle il participa avec ses collègues de la Préfecture de Police de Paris, sur l’île de la Cité, où il continua de travailler jusqu’en fin de carrière (commissaire divisionnaire).

Après la guerre, la famille Taklender resta très liée avec la famille Lanier. En été 1945, Sora eut une petite fille, Monique, qui appelait Roger et Daisy « Tonton» et « Tata » Elle nous rendait visite soit pendant les vacances scolaires soit régulièrement le dimanche où les jours de fêtes.
Actuellement, nos familles se voient de temps à autres pour Shabbat et autres fêtes, portant en nous cet héritage qui a conditionné toute notre vie.

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


Quand mon père Gérard Lanier, fils de Roger Lanier et Daisy, Justes parmi les Nations, m’a communiqué l’information sur ce voyage à Jérusalem, capitale de l’Etat d’Israël, je fus immédiatement partante sans vraiment savoir pourquoi. Confusément, dans l’instant, je ressentais que c’était important vis-à-vis de mes grands-parents et de ce qu’ils avaient fait pour sauver leurs amis juifs pendant la guerre.

Mon père m’a expliqué que  leurs noms étaient apposés dans le jardin des Justes. J’ai donc compris que se rendre à Yad Vashem était un devoir de mémoire que je réaliserai au nom de notre famille, fière de ce passé courageux. Ainsi, par ma présence, je souhaite pouvoir témoigner mon attachement aux valeurs humanistes et pouvoir, par la même occasion, transmettre aux générations à venir cette part de notre passé et que l’on puisse dire : « plus jamais ça » !

En me rendant à Jérusalem,  je m’engage à faire ce travail de transmission et à être la dépositaire de la mémoire et du message que m’ont laissé mes grands parents Roger et Daisy ainsi que leurs amis, Sore et Isaac Taklender : la fraternité.

Mes deux grands parents sont décédés : Roger en 1995 (un an après la remise de la médaille des Justes) et Daisy en 2000.

Claire Painblanc - 22 ans

Arrière petite-nièce de Paul et Elise THOMAS

Dès le début de l’Occupation, les Allemands avaient mis Avranches sous gouvernement militaire, étant donné la position stratégique de la ville sur la côte du golf du Mont Saint- Michel, face à l’Angleterre. Deux familles juives seulement vivaient dans cette localité : les Mainemer qui avaient deux filles et les Rosenthal qui avaient deux enfants.

Les Rosenthal habitaient rue de Changeons à Avranches. Ils étaient marchands ambulants sur les marchés et avaient un stand de vêtements. Zalma et Ruchla ont émigré en France dans les années 1930 après leur mariage. Leur petit garçon, Jacques, est né en France le 23 mai 1934. Ils eurent un second enfant, Estelle, en juin 1942.

Paul et Elise Thomas, habitant Saint-Loup, avaient un stand de légumes à côté de celui des Rosenthal et avaient eu en nourrice le petit Jacques. Ils devaient aussi avoir Estelle en nourrice par la suite.

Le 14 juillet 1942, vers 8 heures du matin, Zalma Rosenthal est arrêté chez lui. Sa femme, venant d’accoucher il y a seulement quelques semaines, n’est pas arrêtée et reste seule avec ses deux enfants. Zalma Rosenthal est emmené vers Paris le lendemain, en compagnie de Monsieur et Madame Mainemer, l’autre famille juive d’Avranches. Trois mois plus tard, le 23 octobre 1942, Ruchla, Jacques et Estelle sont arrêtés et conduits à la prison d’Avranches. Elise Thomas fait alors plusieurs démarches auprès de la gendarmerie et du chef du district d’Avranches, Arthur von Pasquali, pour les faire libérer. Ce dernier appuie la démarche d’Elise mais en vain. Elise se rend alors à la prison d’Avranches. Devant son insistance et celle de Ruchla, les Allemands acceptent de lui remettre Estelle mais refuse de libérer le petit Jacques.

Zalma Rosenthal est déporté vers Pithiviers, par le convoi n°13, le 31 juillet 1942. Ce convoi, à destination d’Auschwitz, transportait 1 049 personnes (693 hommes et 359 femmes). En 1945, seulement 13 personnes faisant partie de ce convoi, dont une femme, sont revenues.

Ruchla et Jacques sont déportés vers Drancy, par le convoi n°42, le 6 novembre 1942. Ce convoi, lui aussi à destination d’Auschwitz, transportait 1000 personnes. 773 furent gazées dès leur arrivée. 145 hommes et 82 femmes furent sélectionnés pour travailler. En 1945, seulement 4 hommes faisant partie de ce convoi sont revenus.

La petite Estelle est élevée par les époux Thomas, comme leur propre fille, en compagnie de leurs deux enfants : Rolande et Roger. Paul et Elise n’ont jamais cherché à la convertir et lui ont toujours dit qu’elle était Juive. Estelle fréquenta l’école primaire de Saint Quentin sur l’Homme et le lycée d’Avranches. Puis, elle enseigna à Granville et à Saint Michel des Loups. À la mort de Paul et Elise, Estelle est partie vivre en Israël mais resta en contact avec son frère et sa sœur adoptifs.

Paul et Elise ont reçu le titre de Justes parmi les Nations, le 29 juin 1992, à titre posthume. La médaille et le diplôme ont été remis à leurs enfants Rolande et Roger, lors de la cérémonie d’inauguration du square Joseph et Dina Mainemer à Avranches, le 26 mai 1994.

Loris Lagiewka-Lefevre - 31 ans

Petit-fils de Camille et Denise MATHIEU

Camille né le 27 janvier 1915 à Lignières (Aube), fils de Louis Amable Mathieu et de Blanche Protat, fait ses études à l’école communale de Lignières jusqu’au certificat. Ensuite, il travaille à la ferme avec ses parents jusqu’à son appel sous les drapeaux fin 1936.

Il effectue son service militaire obligatoire au 18ème régiment du génie à compter du 15/10/1936. Puis engagement de 6 mois le 15/10/1938 toujours au 18ème régiment du génie à Nancy. Il fait une demande d’entrée dans la Garde Républicaine mobile qui est acceptée le 5/1/1939. Il est admis à l’Ecole de la Garde Républicaine mobile au Fort de Montrouge. Il est nommé garde à pieds le 5/7/1939. Il est affecté à la 1ère Légion de Garde Républicaine mobile à la caserne de Drancy.

Lors d’une hospitalisation, il rencontre une infirmière stagiaire Denise Lumereaux, qui deviendra sa femme le 11 décembre 1939. Leur premier fils, Jean-Marie, est né le 16 novembre 1940. Le 1/11/1940, Camille est affecté avec son unité aux forces de gendarmerie de Paris-est, toujours à la caserne de Drancy avec un détachement à Beaune la Rolande (Loiret) pendant trois mois affecté aux cuisines.


Les Allemands ont réunis les gendarmes avec leurs hiérarchies dans la cour de la caserne de Reuilly. Des soldats allemands armés de mitraillettes ont encadré les gendarmes pendant que les consignes étaient transmises au colonel de gendarmerie. Le colonel avait les larmes aux yeux d'être obligé d'obéir aux ordres allemands.  En octobre 1941, Camille est affecté à la garde extérieure du camp de Drancy sur un mirador.  Deux femmes s’approchent sur la route autour du camp. Camille leur demande ce qu’elles font là et leur demande de circuler. Elles répondent qu’elles souhaitent voir leurs maris. Camille, révolté par les mauvais traitements infligés aux internés, leur répond de déposer leurs adresses  au pied du mirador et qu’il ira les voir. Il propose à plusieurs internés de s'échapper par les égouts, solution non retenue. Il passera aussi, avec l'aide de sa femme, des médicaments provocant une très forte température ce qui permis à plusieurs internés d’être relâché le 12 novembre 1941. Camille garda le contact avec les familles Hertzberg, Fuchs et Habib. Il leur proposa de les cacher en les hébergeant chez sa mère Blanche à Lignières (qui fut aussi décoré de la médaille des Justes).

Ces deux familles sont allées à Lignières mais le logement étant trop petit, seule la famille Fuchs est restée. M. Hertzberg est partie en zone libre à Grenoble, mais sa femme Adèle restera à Paris, ses parents étant internés. Elle rejoint son mari à Grenoble après la déportation de ses parents. Les parents d’Adèle ne reviendront jamais des camps de concentration. Denise l’épouse de Camille a fait le voyage vers Grenoble pour accompagner une des deux filles Hertzberg et leur porter de faux papiers. 



Par la suite, Camille passera de nombreux courriers jusqu’en 1943, où il fut révoqué pour avoir désobéi et pour avoir été pris en possession de lettres destinées à des internes du camp de Drancy. Après plusieurs jours de mise aux arrêts, il est rayé des contrôles de la gendarmerie le 21/3/1943. De retour à Lignières, les Mathieu reprendront un fond de commerce de librairie à Courtenay, fin 1943. C’est à Courtenay qu’il est approché  par un médecin et un vétérinaire afin de rejoindre la résistance.

A Joigny, il rejoint les FFCI (forces françaises des combattants indépendants) dans le 1er régiment des volontaires de l'Yonne. Du 1/2/1944 au 8/5/1944, dans le groupe Jean-Marie Buckmaster avec le grade de sergent, ils ont pour mission des parachutages d'armes et des destructions de voies ferrées. Il est nommé adjudant FFI le 1/10/1944. Puis ils forment le 35ème régiment d’infanterie  et  part combattre en Alsace. 30 de ces hommes sur 100 ne reviendront pas de ces combats. Le 17 mars 1944, Mme Habib fut la marraine de Gérard, le 2ème fils de Camille et Denise, en reconnaissance de l’aide apportée à son mari pendant sa détention à Drancy. Ces deux familles ont toujours eu une profonde reconnaissance pour Camille et Denise et sont devenues avec le temps de vrais amis.

Aujourd’hui M. et Mme Hertzberg sont décédés et ce sont leurs filles qui gardent le contact. M. Fuchs est lui aussi décédé. Il avait un fils Jean. Ce sont aussi ces deux familles qui ont fait, à leur insu, les démarches pour la nomination comme «Justes des nations» dès 1975 avec remise de médailles à l’Ambassade d’Israël à Paris. Ils ont aussi invité Denise et Camille en Israël pour un séjour de 10 jours avec cérémonie officielle et plantation d’un caroubier dans l’allée des Justes à Jérusalem.

Jean-Michel Ducros - 28 ans

Petit-fils de Blanche GAZEL (ROUVE)

Il m’est difficile de raconter avec précision l’histoire de ma grand-mère maternelle Blanche Gazel née Rouve dans la mesure où elle est décédée lors de ma cinquième année. Je n’ai quasiment aucun souvenir d’elle. Son histoire m’était totalement inconnue jusqu’en juin 2006. Ma mère  m’en a parlé seulement lorsqu’un des enfants aidés par ma grand-mère est venu à Saint Affrique, dans l’espoir de retrouver la trace de celle dont sa mère lui avait tant vanté les mérites.

Si cette histoire ne m’a pas été racontée plus tôt, c’est sans doute tout simplement parce que le fait de s’occuper d’enfants pendant la guerre paraissait tout à fait naturel. Aussi, ma mère et ses frères et sœur étaient bien loin de s’imaginer que quelqu’un pensait encore à cela.

J’ai donc appris, à 23 ans, que ma grand-mère montrait très souvent à ma mère enfant, les photos qu’elle avait toujours conservées. Elle disait tout simplement qu’elle s’était occupée de ces enfants, au quotidien, comme s’il s’agissait des siens. Elle  était très liée avec  la Présidente de la Croix Rouge, Mademoiselle Salvignol,  qui s’occupait des réfugiés et dirigeait alors un établissement scolaire. Elle avait été torturée par les Allemands sans jamais parler. C’est donc tout naturellement que ma grand-mère s’est portée volontaire pour s’occuper de cette famille Herszaft. Lors des alertes, elle amenait les enfants dans une montagne, « le Roc Blanc », pour les cacher. Mon oncle André, né en novembre 1943, me dit avoir su qu’elle l’amenait aussi.

Il semblerait que ma grand-mère, comme tous ceux qui ont aidé des Juifs, à St Affrique ou partout ailleurs, n’ait pas eu pleinement conscience des risques encourus. Il y avait des enfants et des adultes  en danger et dans ces conditions elle ne se posait pas ce type de questions : elle a agi, tout simplement, en harmonie avec son cœur et sa conscience.

Toutefois, elle avait raconté à ma mère que lorsqu’elle promenait mon oncle dans les rues de St Affrique, elle éprouvait une sorte de peur en croisant les Allemands. Elle disait que c’était dur. Ce qui semble  sûr, c’est que ma grand-mère n’a jamais eu le sentiment d’avoir agi d’une façon exceptionnelle. Elle a agit en toute simplicité. Elle adorait les enfants et n’aurait pas pu rester indifférente à ce qui se passait alors.  

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


Je vois la possibilité qui m’est offerte de participer à ce voyage comme une immense chance. Mon désir d’y participer est très grand pour découvrir un pays aux facettes diverses et que je souhaite explorer « de l’intérieur » pour en avoir une image la plus juste possible.

Commémorer la Shoah est à mes yeux  un devoir incontournable pour éviter que ce type d’horreur ne se reproduise à l’avenir, chose qui me semble malheureusement bien loin d’être évidente dans la conjoncture actuelle. Ce voyage devrait être la source d’un très grand enrichissement et c’est pourquoi j’ai hâte d’y être.

Thierry Durce - 25 ans

Arrière petit-fils de Pierre et Louise HEBRAS

Pierre et Louise Hébras sont mes arrières grands parents. Ils sont nés tous les deux en 1910. Ils se sont mariés en 1931 et s’installèrent dans la ferme de Romanet en 1937, qui fut intégrée à la base de Romanet  en 1939, faisant l’objet d’une surveillance constante par les forces allemandes durant la période de guerre.


En 1943, ils accueillirent la famille Blum. Pour protéger M. Blum des miliciens français, ils l’installèrent dans une cave dont il bloqua l’entrée par un clapier. Chaque fois qu’il venait nourrir son lapin, il ravitaillait M. Blum. Quelques semaines plus tard, il lui trouva une meilleure cachette, dans le grenier d’une usine.


Durant cette période, Madame Blum eut une seconde fille que mes arrières grands parents durent adopter pour la protéger. Celle-ci retrouva son vrai nom après la guerre. Elle et la fille de mes arrières grands parents née en 1933, qui est ma grand-mère (Marceline Dumont), se sont toujours dites sœurs même au jour d’aujourd’hui. En 1944, ils ont fait passer la frontière (France/Suisse) à M. Blum ainsi que sa jeune sœur. Madame Blum décida de rester jusqu’à la libération.


Depuis, la famille Blum vit en Israël. Ma famille est toujours en contact avec eux par le biais du téléphone et du courriel.

Andy Roux - 24 ans

Arrière petit-fils d’Eugénie et Albert ROUX

Mes arrières grands-parents paternels s’appelaient Eugénie et Albert Roux (tous les deux nés en 1899). Ils habitaient Chaumargeais, hameau isolé d’une quinzaine de maisons, situé à l’Est du département de la Haute Loire sur le plateau du Vivarais Lignon. Ils étaient propriétaires d’une petite épicerie/café qui comportait aussi une cabine téléphonique. Leur maison était un lieu où les habitants du hameau pouvaient trouver toutes sortes de services.

Albert était artisan. Il fabriquait des chaises mais il lui arrivait aussi de couper les cheveux de ses voisins. Eugénie faisait occasionnellement restaurant mais elle prodiguait si besoin les premiers soins ou faisait les piqûres, quand quelqu’un en avait besoin.
Tous les deux étaient protestants comme tous les habitants du hameau et une grande partie de la population du plateau du Vivarais Lignon. Durant l’été 1942, ils ont vu s’installer à Chaumargeais un jeune couple de confession juive, venu trouver asile dans ce petit coin reculé. Il s’agissait d’André Chouraqui, avocat, exclu de la magistrature par les lois anti juives, alors âgé de 25 ans, accompagné de sa première femme Colette. Le docteur Heritier lui avait prêté sa maison. Celle-ci se trouvait à deux pas de la maison familiale.

André Chouraqui, entré en clandestinité, était le délégué de l’Oeuvre de Secours aux Enfants (O.S.E.) pour les départements de l’Ardèche et de la Haute Loire. En 1942, après les premières déportations, il était urgent de disperser les enfants juifs dont les parents avaient été arrêtés pour éviter qu’ils ne soient déportés à leur tour. Il fallait organiser leur voyage, les recevoir et leur trouver des familles d’accueil dans des fermes du Plateau. C’est ainsi que Chaumargeais devint un centre d’arrivée et de dispersion des enfants.

Chaumargeais, par sa situation aux confins de la Haute Loire et de l’Ardèche, proche des forêts, loin des activités des plus proches bourgades (Le Chambon sur Lignon et Tence) avec de nombreux habitats isolés et dispersés aux alentours, possédait de nombreux avantages pour organiser cette activité clandestine. André Chouraqui développa rapidement des liens amicaux avec la plupart des habitants du hameau et tout particulièrement avec mes arrières grands parents. Dans son ouvrage autobiographique « L’amour fort comme la mort » (titre inspiré du Cantique des Cantiques), André Chouraqui cite à plusieurs reprises le nom de mes arrières grands parents. Une amitié sincère s’était développée entre eux.
Peut-être que les activités pieuses de mon arrière grand-mère, dont la lecture préférée était la Bible, l’avait rapprochée de cet homme intéressé par la spiritualité et qui devint plus tard traducteur de la Bible. Mes arrières grands parents et André Chouraqui se voyaient fréquemment. J’ai appris que celui-ci mangeait souvent avec eux.

Albert et Eugénie protégeaient les activités de Mr Chouraqui et participaient activement à celles-ci car ils recevaient les informations permettant de gérer le réseau de sauvetage des enfants juifs, cela du fait qu’ils possédaient le seul poste téléphonique du village. Ils transmettaient ensuite ces informations à André Chouraqui : aussi bien les arrivées d’enfants que les informations concernant d’éventuels dangers. En particulier, Mme Philip, proche du Général de Gaulle, qui les prévenait des passages de la milice.

De ma famille, je n’ai reçu qu’une histoire qui m’a fait comprendre que mes arrière grands parents, en dehors du lien téléphonique, devaient aussi certainement participer à l’hébergement temporaire des enfants juifs lors de leur passage à Chaumargeais, cela avant leur dispersion dans les fermes des alentours.

En effet, mon père se rappelle que sa grand-mère Eugénie lui avait raconté qu’un jour, trois Allemands étaient entrés dans la maison. Dans le couloir existait une trappe. L’un des Allemands jouait de son pied avec le crochet  métallique qui servait à ouvrir celle-ci. Les yeux rougis, mon arrière grand mère  a dit à mon père: « Heureusement qu’il n’a pas eu l’idée de lever la trappe, car ce jour là, il y avait 17 personnes cachées dessous ... » Ce moment l’avait marquée car ils étaient passés tout près d’une catastrophe…

J’ai reçu le témoignage d’un « ancien » de Chaumargeais, Paul fournier, dont les parents, également reconnus Justes parmi les nations, avaient abrité des enfants juifs. Ceux-ci lui disaient toujours de ne rien dire. Il fallait faire attention ! Ce sceau du secret a perduré. Après la guerre, alors que la paix était revenue, mes arrières grands parents ne parlaient pas de qui s’était passé, de ce qu’ils avaient fait, ni des personnes qu’ils avaient alors croisées ou rencontrées.

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?


C'est une très belle occasion de rendre hommage à mes aïeux ainsi qu'à l'ensemble de cette population d'hommes exceptionnels. C'est également un événement qui me permettra de participer à l'effort collectif de perpétuation de la mémoire de cette période, chère aux habitants de mon village, le Chambon Sur Lignon, qui du reste, ouvrira dans les prochains mois les portes de la Maison des enfants cachés et des Justes, musée consacré à ce devoir.

C’est à titre posthume qu’ils ont reçu en 1990 la médaille des Justes parmi les Nations à la demande de Mr Chouraqui. Ces différentes activités ont duré environ une année car la répression allemande était devenue de plus en plus forte dans la région à partir du mois de juillet 1943.  

Gary Haas - 18 ans

Arrière petit-fils de Germaine et Alban FORT

Alban et Germaine Fort vivaient à Cannes. En 1935, ce couple catholique fonda Le « Rayon de Soleil », un établissement pour enfants orphelins ou sans foyer, dans une villa de la périphérie. De quarante a soixante enfants y recevaient des soins dévoués dans  une atmosphère chaleureuse. Pendant la guerre et au mépris du danger, la coulpe Forte accepta d’abriter des orphelins juifs réfugiés qui avaient beaucoup souffert. Les opérations de sauvetage étaient organisées pas les Abadi, un couple juif de Nice, qui bénéficiait du soutien actif de l’évêque de la ville, Paule Rémond.

C’est ainsi qu’en novembre 1942 Alban et Germaine ont accueillirent trente-trois enfants juifs au Rayon de soleil. Ils avaient de faux papiers et vécurent au foyer pendant de longues périodes : certains s’y trouvaient encore lorsque Cannes fut libérée en aout 1944. Les petits juifs fréquentaient l’école et obtinrent leur certificat d’études primaires comme les autres enfants. Julien et Georges Engel faisaient parti de ce groupe. Leurs parents, des juifs de Pologne, avaient vécu pendant plusieurs années en Allemagne avant d’émigrer en Belgique au début des années trente.

Lorsque ce pays fut envahi  en mai 1940, ils se réfugièrent en France et s’installèrent à Nice ou ils avaient des parents. En novembre 1942  les Allemands étendirent leur occupation a toute la France, mais Nice fut placée sous contrôle italien. Les Engel tentèrent de s’enfuir en Suisse. Arrêtés, ils furent expédiés au camp de concentration de Rivesalts. Les enfants furent séparés de leurs parents et envoyés deux semaines plus tard dans un foyer près de Toulouse. Au début de 1943, ils retournèrent chez une tante à Nice.

En septembre de la même année, les Allemands entrèrent dans la ville et commencèrent à pourchasser les juifs- non seulement étrangers, mais aussi de nationalité française. La tante des enfants fut arrêtée pas les gendarmes français et Julien et Georges se retrouvèrent une nouvelle fois sans abri. Grace a un voisin compatissant et au réseau que soutenait Mgr Rémond, ils arrivèrent au Rayon de Soleil. Ils devaient y séjourner trois ans. En 1946, ils émigrèrent aux états unis ou des parents les adoptèrent. Serge Cymerman lui aussi dut la vie à Alban et Germaine Fort. Arrivé en janvier 1944 après l’arrestation de son père (qui fut déporté à Auschwitz), il vécut au foyer, sous le nom de Serge Castel, jusqu’à la libération. Après la guerre, nombre des enfants restèrent en contact avec les Fort. Julien et Georges Engel, qui habitaient à Washington, vinrent plusieurs fois rendre visite à leurs sauveteurs, qui a leur tour allèrent les voir aux états unis.
Le 28 février 1985, Yad Vashem a décerné à Alban et Germaine Fort le titre de juste des nations.

Citation d'après le témoignage d’Annette Maurice fille de Germaine et Alban Fort.

« Je n’avais que 7 ans en 1943 lorsque la zone libre fut occupée par les Allemands. De ce fait, mes souvenirs ne sont pas tous précis quant à l’arrivée des enfants juifs dans le foyer pour enfants « seuls au monde » que mes parents dirigeaient à Cannes. De toute façon, nous ne parlions ni de race ni de religion entre nous, cela eut été dangereux. Nous vivions tous ensemble ans cette belle Villa Clémentine et son parc de quatre hectares et demi e beau jardin. Certains enfants ne restaient que peu de temps car ils étaient confiés à des personnes aimes sûres. Mais ils étaient une douzaine en permanence, ainsi que des adultes.

Je me souviens très bien d’Annie Zimmer, dont les parents avaient été chassés ‘Allemagne en 1933. Elle a toujours gardé le contact avec nous après la guerre, ayant quitté Cannes pour l’Amérique, où elle s’est mariée avec Seymour Lévine. Serge, lui est parti pour Paris où il a retrouvé ses frères. Ses parents ayant été déportés et assassinés, il avait un rapport fusionnel avec les miens.

Et maintenant que mes parents sont morts à leur tour, c’est à moi qu’il téléphone souvent pour garder le contact entre nos deux familles. »
Il y a 5 ans ? Julien et son épouse, Anne Marie, sont venus à Nice pour nous voir. Avant de partir, i a tenu à revoir le lieu ou i a vue se faille pour la dernière fois (boulevard Gambetta). Il n’a était jamais retourné depuis la guerre ; nous sommes aussi allés voir son école, rue Vernier. Ce fut très émouvant.


Julien Engel et Serge Cymermann ont fait les démarches pour attribuer la « Médaille des Justes » à mes parents. Serge m’a toujours dit que les plus beaux moments de sa vie, il les avait passés au «  Rayon de Soleil ». Il s’y senti très protégé et aimé ».

Elie Pavot - 23 ans

Petit-fils  d’Anne-Marie PAVOT

 

L'histoire du sauvetage, objet de la Médaille des Justes attribuée à Anne-Marie Pavot, débute avec l'arrivée en France (en 1928) de Miklos Boros (de confession juive), international de football de renom, qui quitta la Hongrie au vu de son climat antisémite croissant.

Il prend en France le nom de Nicolas Boros. Il épouse Hélène, de confession juive elle aussi, et ils ont un enfant en 1938, prénommé Charles. Nicolas Boros fait la rencontre de mon grand-père, René Pavot, alors âgé de 18 ans la même année, dans le club FCA Dyonisien (mon grand-père étant lui-même footballeur).

Au mois d'avril 1942, mon grand-père décide de quitter Paris, suite à une altercation qu'il eut
avec un membre de la LVF (Légion des Volontaires Français). C'est Nicolas 
Boros qui l'oriente vers Marc Peigné, directeur sportif de l'AJJ Blois. Ce dernier trouve deux emplois et un logement afin d'accueillir en juin mon grand-père et ma grand-
mère, Anne-Marie Pavot, mariés le mois précédent. Suite à la rafle du Vel d'Hiv, le 16 juillet 1942, c'est à Nicolas Boros de fuir la capitale.

Il rejoint mes grands-parents, seul, car il est alors impensable pour lui que les nazis s'en  prennent aux femmes et aux enfants. Il apparait pourtant bien vite que sa femme et son fils sont en danger à Paris et c'est ma grand-mère, Anne-Marie Pavot, qui part les chercher à la capitale empruntant le métro et traversant la gare d'Austerlitz où de nombreux contrôle sont entrepris et aide Hélène à dissimuler son étoile jaune. La famille réfugiée à Blois est provisoirement en sécurité mais ma grand-mère retourne à Paris pour leur trouver des faux papiers (il lui faut finir une transaction déjà amorcée par Nicolas Boros mais qu'il n'avait pu aboutir à cause de son départ précipité).

A la suite d'une transaction qui aurait pu mal tourner (il aurait été question pour les trafiquants de prendre l'argent que ma grand-mère apporta sans lui donner les papiers), ma grand-mère transporta les faux documents dangereusement dans son sac à main et revint à Blois pour les confier à Marc Peigné qui, entretenant de bonnes relations avec les administrations locales d'Averdon, une petite commune aux environs de Blois, peut fournir de faux papiers indétectables à la famille Boros qui ne sera plus inquiétée et qui pourra reprendre son nom à la Libération.

Mes grands-parents restèrent à Blois jusqu'en 1959 puis vécurent à Orléans, Oujda (Maroc), en Guadeloupe puis en Guyane avant de prendre leur retraite en 1986 à Lichères-près-Aigremont (Yonne). Ma grand-mère est décédée le 7 octobre 2009 et c'est suite aux efforts de mon grand-père et aux Boros pour retracer cette histoire que la Médaille des Justes parmi les Nations fut attribuée à Anne-Marie Pavot à titre posthume.

Morgan Lerat - 26 ans

Arrière petit fils de Georges LERAT

Georges Lerat est né le 29/01/1913, à Saint-Aubin-de-Scellon (Eure), de Ferdinand Celestin Lerat et de Jeanne Valentine Lebugle. Il obtient le statut de pupille de la Nation suite au décès de son père durant la Première Guerre Mondiale (mort de maladie en captivité). Il devient instituteur et secrétaire de la mairie de Hauville (Eure). Le 5 août 1935, il épouse Madeleine Roger, également institutrice. Ils auront deux enfants : Jean-Paul, né en 1938 et Alain, né en 1948.

Mobilisé durant la guerre de 39-40, il est envoyé dans les Ardennes puis son statut de Pupille de la Nation lui permet d'être déplacé dans l'arrière-garde à Montpellier. Il sera démobilisé lors de l'Armistice de juin 1940 et retournera dans son village de l'Eure.


Il participe au réseau de Résistance de sa région en fournissant de faux papiers (son statut de secrétaire de mairie le lui permettait) ainsi qu'en cachant des pilotes alliés (dont Georges Darcy qui gardera de nombreux contacts avec la famille Lerat après la guerre) et des familles juives.

En 1944, il aide à cacher la famille Trétiak, des commerçants juifs de Rouen, leur fournit de faux-papiers et garde leurs effets personnels pour les leur restituer à la fin de la guerre.


Il sera récompensé pour ses faits de résistance par les Etats-Unis qui lui décerneront la Medal Of Freedom à la fin de la guerre. Il prend sa retraite de l'Education Nationale en 1970 et décède le 12/08/2002 à 89 ans.  

Suite aux démarches de sa famille, il obtient à titre posthume le titre de Juste parmi les Nations le 11 septembre 2011, à Hauville

Eliette Berger - 25 ans

Arrière petite fille de André et Alice FUNE

Mes arrières grands-parents, André et Alice Funé et leur fille, ma grand-mère, Jeanne, fréquentaient l'église baptiste du Tabernacle dans le 18ème arrondissement de Paris, dont le Pasteur était Eugène Charlet.

Dans le voisinage, habitait une famille juive, les Draï. En 1943, le père décide de partir en Province pour se mettre à l'abri, pensant que seuls les hommes étaient arrêtés. Mais un jour, au début de septembre 1943, la mère part chercher ses trois enfants aînés à l'école et demande au pasteur de l'église du Tabernacle, Eugène Charlet, de garder les trois plus jeunes. Mais à l'école, les Allemands arrêtent la maman ainsi que les trois enfants aînés qui sont déportés à Auschwitz. Pendant ce temps, ne voyant pas la maman revenir, Eugène comprend ce qui s'est passé et confie les trois enfants, Paul, Nelly et Pierre Draï, âgés alors de 8, 5 et 3 ans, à mes arrière-grands-parents.

Ils les amènent dans un centre d'accueil appelé "le Nid Fleuri", situé dans l'Aube et qui appartient à l'église du Tabernacle. Là-bas, ils accueillent et s'occupent d'enfants Juifs, Arméniens, Catholiques, Protestants pendant toute la guerre. Ma grand-mère, Jeanne, qui a alors 14 ans, s'occupe de Nelly et de Paul qu'elle appelle "Paulo". Elle leur a appris à lire et à écrire. Pierre est tombé gravement malade. Mes arrière-grands-parents l'ont alors soigné et l'ont envoyé dans un hôpital pour enfants à Margency dans le Val d'Oise. Il y restera jusqu'à la fin de la guerre. Paul et Nelly, eux, sont restés avec mes arrière-grands-parents jusqu'à la fin de la guerre.

 

Une fois, ils ont entendu les Allemands passer près du centre d'accueil mais ils ne se sont pas arrêtés. Pendant ce temps, leur père a aussi été arrêté et a été déporté à Auschwitz. Les parents ainsi que les trois aînés ne sont jamais revenu. Paul, Nelly et Pierre ont été séparés de ma famille à la fin de la guerre et placés dans un orphelinat. Puis les deux aînés ont rejoint leur oncle en Algérie. Mes arrière-grands-parents n'ont plus eu aucune nouvelle d'eux.

En 2009, Pierre Draï a retrouvé ma grand-mère Jeanne. Elle a reçu la médaille des Justes en juillet 2009 ainsi que mes arrière-grands-parents à titre posthume. Le 18 juin 2011, elle a été nommée chevalier de la Légion d'Honneur. Pierre Draï a écrit un livre qui raconte son histoire : La mémoire déverrouillée.

Mathilde Touchard - 27 ans

Petite fille de Renée PALLARES PARISELLE

En 1939, Marie Antoinette Pallarès habite avec ses filles Renée et Paulette et son fils Guy, au 6 rue Guillaume-Pellicier à Montpellier. Son mari, enseignant, est mobilisé et affecté en Afrique du Nord.

Au printemps 1942, Marie Antoinette fait la connaissance de Sabine Zlatin. Réneé et Paulette, adolescentes, font parties des Éclaireuses de France et portent des colis de ravitaillement préparés par les Éclaireurs israélites de Montpellier aux Juifs internés dans les camps. Sabine Zlatin sort du camp d’Agde une fillette luxembourgeoise âgée de deux ans, Diane Popowsky. Réfugiées dans le sud de la France, Diane et sa mère sont arrêtées par la gendarmerie française puis internées au camp d’Agde.

Au cours de l’été 42, Sabine Zlatin demande à Marie Antoinette Pallarès de prendre la petite Diane Popowsky. Les parents Popowski seront déportés. Paulette va chercher la petite fille âgée de 2 ans à Lamalou-Les-Bains. Renée Paulette et Guy viennent passer l’été 1943 à la colonie d’Izieu avec Diane.

Les deux sœurs sont aides-monitrices et participent activement à la bonne marche de la colonie. Renée et Paulette ont pris un nombre important de photographies lors de leurs séjour qui ont notamment permis à Serge Klarsfeld d’identifier un grand nombre des quarante-quatre enfants martyrs d’Izieu. Paulette ayant connu ces enfants, elle a même du témoigner au procès de Barbie à Lyon. À la fin de l’été 43, les Pallarés rentrent à Montpelier en compagnie de Diane.

Renée portant son uniforme de scout, conduit une quarantaine d'enfants juives allemandes de Montpelier  a Annemasse, jusqu’à une maison tenue par des religieuses pour gagner ensuite la Suisse.

Renée convoie d'Agen à Izieu Paul Niedermann et Théo Reis, deux adolescents appelés par Sabine Zlatin à Izieu, pour mettre en culture le potager qui s’y trouvait. Marie-Antoinette Pallarès a également caché durant plusieurs mois Albert Bulka, âgé de 3 ans, qui fut plus tard caché dans la colonie d’Izieu et fut le plus jeune déporté, le 6 avril 44, des enfants raflés à la colonie d’Izieu. De 1942 à 1944, les Pallarès ont, à maintes reprises, ravitaillé des familles juives cachées dans des greniers.

Diane Popowsky resta dans sa famille d’adoption jusqu’en 1949. Elle écrira à ce propos : « La famille Pallarés m’a traitée comme l’un de ses propres enfants. J’ai reçu tellement d’amour de leur part. On m’a toujours dit que j’étais juive et une fois par semaine, après la guerre, j’allais prendre le dîner de shabbat dans une famille juive… Mon oncle, Simon Krundel, revenu d’Auschwitz à Montpellier en 1945 m’amenait dans les parcs tous les dimanches. »

Claire Cuilleron - 18 ans

Arrière-petite-fille de André CELLARD

André Cellard, mon arrière grand père, était un grand ami de la famille Netter. Dès le début des persécutions envers les juives, il a assuré son soutien a cette famille en danger. Lorsqu'en avril 1944, la famille Netter échappa de justesse à une descente de la Gestapo, elle décida de se séparer pour plus de sécurité. Mon arrière grand père partit chercher Blanche Netter (née Levy), alors âgée de 74 ans, afin de l'amener chez lui a Verlieu, commune de Chavanay (42), où il exerçait le métier de viticulteur. Blanche Levy vécu dans ma famille qui comptait 6 enfants, dont ma grande mère, jusqu'à la libération où elle fut accueillie et entourée comme une aïeule de la famille.

André Cellard continua néanmoins d'aider les autres membres de la famille Netter en rendant visite aux parents qui s'étaient réfugiés à la hâte chez les Furnon (qui ont eux mêmes reçu les médailles 9125 en 2000).    

Le 26 mai 1944, alors qu'il mettait au point avec la famille Netter un plan afin de les emmener tous ensemble dans un lieu plus sûr à Chavanay, il se trouva pris au piège dans le bombardement de Saint-Etienne. Il en sortit heureusement sain et sauf mais du laisser ma famille sans nouvelle et dans une terrible angoisse. Ce déplacement prévu le 19 juin 1944 fut annulé au dernier moment car ce jour-là, les Allemands avaient brusquement débarqué dans la région et s'étaient livrés à de dures représailles qui avaient notamment touché d'autres résistants de ma famille.

Des visites étaient organisées afin que les enfants Netter, cachés alors chez les Thioller, puissent venir voir leur grand-mère et jouer avec les enfants des Cellards. Cette situation dura comme dit précédemment jusqu’à la libération.