Vingt descendants de Justes français ont été invités à participer au deuxième voyage "Mémoires de Justes", organisé par la Fondation France Israël, du 30 avril au 4 mai prochain. Ils seront la deuxième délégation des "ambassadeurs de la mémoire" à se rendre, en Israël, à l'occasion des cérémonies de commémoration de la Shoah, pour transmettre leur histoire.

 

Les membres de la délégation ont été contactés avec l'aide du Comité français de Yad Vashem

Elorah AMBACHER - 22 ans

Arrière petite-fille de Germaine et Albert Rateau

 

« Germaine et Albert Rateau, mes arrières grands-parents maternels, se sont vu décerner le titre de Justes parmi les Nations le 6 octobre 1991, à Paris par l'Institut Yad Vashem de Jérusalem.

Pendant la guerre de 1939-1945, Germaine et Albert Rateau habitaient un petit appartement à Paris avec leur fille Josette (ma grand-mère maternelle) née en 1925. Germaine travaillait comme secrétaire de direction dans une maison de commerce d'import-export, la maison Sciama à Paris, dans le dixième arrondissement. Cette maison employait quelques personnes non juives dont mon arrière grand-mère.

Lors de l'occupation allemande en 1940, les Juifs étaient très inquiets. Germaine et Albert Rateau ont d'emblée pu aider les personnes (amies et connaissances) autour d'eux .C'est ainsi que chaque jour apportait son lot de présence, d'aide, de partage. Par exemple, une amie russe de leurs amis, Raïssa, est arrivée un jour à la maison leur demander leur livret de famille pour des amis à elle qui devaient rejoindre la zone libre. Ce couple avait une fille du même âge que ma grand- mère. Sans hésiter, mes arrières grands-parents lui donnèrent leur livret.

Mon arrière grand-père, Albert Rateau, travaillait au bureau de l'état civil de la mairie de Montreuil. Grâce à ce travail, il a pu prendre de l'encre spéciale pour les papiers d'identité. Il a pu falsifier des cartes d'identité, chez lui, en changeant une ou 2 lettres. J'ai appris par ma grand-mère qu'il faisait tellement froid dans l'appartement, qu'il se mettait sous un édredon pour ne pas avoir les doigts trop gourds. C'est ainsi que André Netter devint André Natier.

Alors que les persécutions des Juifs empiraient, nombre d'amis et connaissances de mes arrières grands-parents s'étaient réfugiés en zone libre à Montmorillon.

En juillet 1942, la famille Rateau est allée leur rendre visite en vélo eta mesuré leur état de détresse et d'anxiété. Lorsque l'occupation allemande s'est étendue à la zone libre, mes arrières grands-parents n'ont pas hésité à proposer à André Netter, comptable de la maison Sciama, de se cacher à Paris chez eux. Il a accepté. Il occupait la chambre de ma grand-mère qui avait alors 18 ans. Elle-même couchait dans la chambre de ses parents sur un lit de camp. Chaque matin, elle allait ouvrir les volets de sa chambre comme si de rien n'était pour n'éveiller aucun soupçon. Cela dura quelques mois jusqu'à la libération.
J'ai découvert cette histoire avec ma grand-mère et surtout avec ma mère. Mes arrières grands-parents sont décédés en 1973 pour Albert et en 1993 pour Germaine. Leur fille Josette qui a vécu cette histoire avec eux garde cette période très présente en sa mémoire et en parle facilement lorsque l'un de ses petits-enfants l'interroge. Il se trouve qu'elle a épousé plus tard un homme juif et que de Rateau elle s'est appelée Josette Bensoussan. Ses cinq enfants se sont donc sentis très impliqués dans l'histoire du peuple juif de multiples façons. Je n’ai malheureusement pas de photo d’André Netter qui a gardé peu de relations avec la famille après la libération. Il est devenu le directeur de la maison Sciama. »

 

 

Loïc AMBLARD - 21 ans

Arrière petit-fils de Sully et Marie Amblard

 

« J’ai toujours su par mes parents que des enfants juifs avaient été accueillis dans notre maison, mais rien de plus. Puis un enfant que mes arrières grands-parents avaient recueilli a contacté mes grands-parents et est revenu chez nous, ils ont donc commencé à aborder le sujet un peu plus en profondeur.

Je suis réellement au courant des faits depuis que Monsieur Maurice Goldberg a contacté mes grands-parents il y a quatre ans environ. Plus récemment le statut de Justes parmi les Nations leur a été attribué et il est évident que cela a poussé mes grands-parents à nous en parler. Hélas je n’ai jamais eu l’opportunité de le rencontrer.

Le sujet est assez rarement abordé dans la famille, ou de manière vague, mes arrières grands-parents étant décédés, mon grand père est le seul à pouvoir témoigner. Or à l’époque il était engagé dans la résistance donc il n’était pas souvent présent au moment des faits. Mon grand-père ne nous a jamais présenté l’action de ses parents comme quelque chose d’exceptionnelle. On peut effectivement dire qu’il considère cela comme un fait normal, d’autant plus que dans le pays de Dieulefit, où nous vivons, beaucoup de familles ont accueilli des Juifs.

Sully et Marie Amblard, agriculteurs, aujourd’hui décédés, possédaient une ferme au Poët Laval, dans le pays de Dieulefit où de nombreux réfugiés ont été accueillis (environ milles personnes dont 100 à 150 personnes d’origine juive - il existe par ailleurs un reportage appelé "Dieulefit, le village des justes" qui raconte le rôle particulièrement actif du pays de Dieulefit lors de la guerre. Mes grands-parents insistent en effet souvent sur le fait qu'un très grand nombre de familles de la région accueillirent des réfugiés et soulignent que cet acte de résistance fut le fait d'un canton entier.

Courant 1943 arrive dans la ferme un jeune garçon de huit ans: Bernard Guillot ou Bernard Guyot dont le véritable nom est Maurice Goldberg. Il y est resté jusqu'à la libération, quand ses parents sont revenus le chercher. Sully et Marie connaissaient sa véritable identité, c'est monsieur Debu-Bridel, le pasteur du Poët Laval qui leur a demandé, comme a beaucoup d'autres familles, d'assumer leur devoir de Chrétien en protégeant des enfants innocents. Mon grand père Samuel Amblard avait alors 20 ans et étant réfractaire au STO, avait gagné le maquis et était entré en résistance. »
 

Que représente ce voyage pour vous ?

« En ce qui concerne le voyage je trouve que c'est une belle occasion de rentre hommage à des Hommes exceptionnels que sont les Justes parmi les nations. Je suis heureux de pouvoir participer à la perpétuation de la mémoire de ces personnes qui certes ont agi dans des circonstances bien particulières mais doivent rester pour nous des exemples de bonté désintéressée et de courage. De plus ce voyage est l'occasion pour moi de découvrir une région particulièrement importante du point de vue de l'histoire comme de la spiritualité, ce pays me fascine et je me réjouis de pouvoir le découvrir dans de telles conditions. »

 

 

Anne-Caroline de BOISGROLLIER - 25 ans

Arrière petite-nièce de Gabrielle DOUILLARD, Mère Irène de Jésus.


« Gabrielle Douillard, sœur Irène de Jésus de la congrégation des Ursulines de Jésus est mon arrière grande-tante. La maison-mère de cette congrégation est à Chavagnes en Pailles en Vendée (à 5km des Brouzils, origine de la famille Douillard).
Elle est la sœur de mon arrière grand-père mais je ne l'ai jamais connue. Ils étaient sept enfants. (Ludovic a eu 2 enfants, ainsi que Michel, André a eu 8 enfants, Irène était mariée mais sans enfant, Jeanne était célibataire, Gabrielle était religieuse et Paul, chanoine)
Elle est née en janvier 1900 et est décédée en août 1984.

 

Elle entre dans la Congrégation de Chavagnes le 23 août 1921 et reçoit le nom de Sœur Irène de Jésus. Elle est supérieure à Cannes de 1942 à 1950.

En 1944 elle prend la responsabilité de cacher une douzaine de jeunes filles juives et la mère de l’une d’entre elles. A plusieurs reprises, elle s’est trouvée dans des situations difficiles et a su y faire face sachant le danger que comportait cette action charitable.

Marion Rousso née Petrushka à Leipzig en Allemagne le 9 janvier 1925, sauvée avec sa mère et plusieurs autres jeunes filles juives par mère Irène de Jésus rapporte les faits suivants :

En mars 1939, ses parents reçoivent un avis d’expulsion parce que Juifs et Polonais et doivent quitter l’Allemagne sous trois mois.

En juin 1939, ils partent pour la France en transit le temps d’obtenir un visa pour l’Australie. Ils restent coincés à Paris qu’ils quittent comme réfugiés en septembre 1939 lorsque la guerre éclate.

A Mayet de Montagne (Allier), ils vivent à la campagne sans problème de 1940 à 1942, date d’arrestation de son père lors d’une rafle à Vichy et est déporté.

Peu après deux gendarmes procèdent à l’arrestation de Marion qui figurait sur une liste et l’emmènent à Montluçon où elle simule la folie. Elle est envoyée à l’infirmerie.

Une représentante de la Croix Rouge la transfert sur ordre des Allemands dans un hôpital à Clermont Ferrand. Accueillie par des religieuses, elle continue à simuler. Lors d’un contrôle par deux SS elle joue la comédie jusqu’au bout, ils s’en vont finalement. Un médecin chef de la gestapo lui rend visite et l’interroge des heures durant. Il ressort convaincu de sa folie, deux gendarmes doivent la surveiller afin qu’elle ne se sauve pas. Elle reçoit des piqûres (insulinochocs). Un des gendarmes membre de la résistance l’aide à se sauver vers un groupe de résistants.

Arrivée à destination, les résistants l’aident à faire venir sa mère, leur fournissent de faux papiers et organisent leur départ pour l’institution de Sainte Marie à Cannes.

Elle prend le nom de Marie-Liliane Lombard et sa mère, Mademoiselle Perrin. Elles ne sont plus mère et fille mais parent éloignés.

A Nice, avant d’arriver à Cannes, elles rencontrent trois autres jeunes filles juives qui vont les accompagner. Séparées dans les compartiments elles subissent un contrôle de la gestapo qui se termine mal par l’arrestation d’une des jeunes filles.

Arrivées à l’Institution Sainte-Marie, elles sont reçues par Mère Irène de Jésus. Toutes les religieuses sont au courant qu’elles sont juives avec de faux papiers, sauf les enseignants laïques de l’Institution ainsi que les élèves. Sa mère donne des cours d’allemand en classe de sixième, cinquième et quatrième pour participer aux frais de séjour. Mère Irène a répondu à la demande de l’Évêque de Nice Monseigneur Rémond pour cacher des enfants dans son institution, il a fourni de faux certificats de baptêmes. Mère Irène a fait cela d’une manière tout à fait naturelle et leur a sauvé la vie.

Fin 1943, le bruit court selon lequel les nazis vont venir inspecter les institutions religieuses, sa mère et elles décident de partir pour ne pas mettre en danger toutes les sœurs et elles-mêmes. C’est Mère Irène de Jésus qui a pris la décision de les cacher et ensuite de ne pas les laisser partir vers la mort au risque de sa vie et de celle de sa communauté.

Elle étudie le plus souvent dans la cave sous les bombardements et les sœurs l’aident à passer le bac qu’elle réussit. Chaque jour la Mère supérieure et les sœurs font de leur mieux pour les aider et les protéger du danger. Elles prennent de grands risques pour aller avec les faux papiers chercher les tickets d’alimentation. Les religieuses étaient toutes solidaires et ont œuvré ensemble pour les sauver.

Le témoignage de Marion Rousso est corroboré par la copie d’une lettre de Mère Irène de Jésus postérieure à 1950 qui fait état d’un hommage de gratitude qu’elle a reçu d’un « Comité Niçois de défense des Juifs » à la libération.

J'ai découvert son histoire très récemment par mes parents, suite à la proposition de votre voyage en Israël, il y a donc moins d’un mois. Toutes les informations ont été recueillies auprès de nièces de Gabrielle Douillard. J'en apprends chaque jour un peu plus.

Je n'ai jamais connu mon arrière grande-tante, seulement une de ses sœurs (mais qui était très âgée). Par conséquent, je n'ai jamais rien pu apprendre par mon ancêtre.
Ma grand-mère nous cite de temps en temps Tante Gabrielle et nous en a parlé un peu plus lors de l'émission du "pensionnat de Chavagnes". Néanmoins, je n'ai jamais eu beaucoup d'informations concernant cette période.
Maman, ayant côtoyé Tante Gabrielle, n'a apparemment jamais non plus eu l'occasion de parler de cela. Geneviève, une jeune soeur de ma grand mère m'a donné des informations et m'a confirmé que Tante Gabrielle ne parlait pas beaucoup de cette période mais, on a retrouvé des documents aux Brouzils après son décès.

Je n'ai aucun contact avec les gens aidés par mon arrière grande-tante lors de la guerre. Néanmoins, tante Geneviève m'a dit qu'elle avait un contact téléphonique avec la fille et la petite-fille (puisqu'il y avait parmi les Juives sauvées, la mère et la fille sous des noms d'emprunts différents): Madame Rousso habite Paris et c'est elle qui voulait à tout prix constituer le dossier pour que tante Gabrielle reçoive la médaille des Justes. Ce dossier a été validé à Jérusalem et la remise de la médaille, à titre posthume, doit avoir lieu dans 2 ou 3 mois à la Communauté de Chavagnes. »


 

Mathilde BROCHARD - 20 ans

Arrière petite-fille de Léon et Claire Dubois

 

« Mes arrières grands-parents sont décédés bien avant que je naisse. C’est donc ma grand-mère Irène, fille de Claire et Léon Dubois, qui m’a parlé de notre histoire familiale depuis que je suis toute petite mais depuis la reconnaissance du statut de Justes de mes arrières grands-parents en juin dernier, j'en entends encore plus parler. Ma grand-mère n’a aucun mal à évoquer cette époque car pour elle, n’ayant que 11 ans au moment des faits, tout semblait normal.

J'ai rencontré Léo Mohr, en juin dernier lors de la cérémonie à Lille, mais avant cette cérémonie je ne l'avais jamais vu, l'occasion ne s'étant jamais présentée. J'avais cependant énormément entendu parler de lui par ma grand-mère.

Le 24 juin dernier, à Lille, j'ai assisté à la remise de médaille de « Justes parmi les Nations » en l'honneur de mes arrières grands-parents, Claire et Léon Dubois.  

Mais avant cela, il faut revenir quelques années auparavant, en 1943. Ma grand-mère Irène, petite fille âgée de 11 alors, habitait à l'époque avec ses parents Léon et Claire Dubois, Alfred un de ses frères (les autres étant partis à la guerre) et sa sœur Juliette dans une ferme nommée Mirassou dans les collines de Bosdarros, commune des Pyrénées-Atlantiques.

Octobre 1943, des miliciens tentent d'arrêter Léo Mohr et sa maman. Elle décide alors de se sauver dans les collines et finit par arriver à Mirassou, dans la ferme de mes arrières grands-parents. Même si à l'époque il n'y avait ni eau courante, ni électricité, c'était un foyer chaleureux qui accueillit Léo sans même se poser de questions. Au moment de la séparation, mon arrière grand-mère prit Léo dans ses bras, et Lina, la mère de Léo, tendit à mon arrière grand-mère un sac contenant quelques bijoux, cette dernière repoussa le sachet et dit alors « nous en avons déjà élevé six, Léo sera le septième ».

Durant donc plus d'un an, Léo resta caché chez mes arrières grands-parents, à jouer avec ma grand-mère, son frère et sa sœur.

En septembre 1944, c'est avec une joie immense qu'ils apprennent la libération. Léo a pu rentrer à Lille avec sa mère et continuer sa vie, mais encore à l'heure d'aujourd'hui je sais que ma grand-mère entretient une correspondance avec Léo, son compagnon de jeux et frère d'adoption durant cette période très dure de guerre. Aujourd'hui je suis fière de mes arrières grands-parents et de leur courage. » 

 

 

Pierre Colombié - 31 ans

Petit-fils de Georges PAUTHES

 

« Mon grand-père, Georges Pauthes, un maçon de Graulhet dans le Tarn, a été réquisitionné avec son frère, par le Service du Travail Obligatoire (STO) et envoyé à Blechhammer en Haute Silésie, dans une entreprise d’essence synthétique. Mon grand-père était responsable d’une énorme bétonnière. Des prisonniers juifs travaillaient dans l’usine. Les conditions de vie dans le camp étaient très difficiles pour tous. De nombreuses nationalités provenant des quatre coins d’Europe étaient représentées.

C’est dans ce cadre que mon grand-père a fait la connaissance de Meier Markscheid. Meier qui travaillait à la bétonnière, a entendu mon grand-père parler et a immédiatement reconnu cet accent du Sud-ouest qui lui était fort familier. En effet, Meier a été déporté de Lacaune (Tarn) le 26 aout 1942. Originaires de Pologne, sa femme et lui s’étaient installés en Belgique en 1928. Trois jours après l’invasion allemande du 10 mai 1940, ils ont fui en France et trouvé refuge aux environs de Toulouse.

 

Les travailleurs français et les prisonniers juifs avaient interdiction de discuter ensemble sous peine de sanctions, néanmoins Meier réussit à échanger quelques mots avec mon grand-père en lui demandant d’où il était originaire.

Georges et Meier sympathisèrent immédiatement, liés par une région commune. Ils devinrent des frères d’infortune. Mon grand-père décida d’aider Meier comme il pouvait. Les Français avaient droit à quelques « privilèges » : une ration de pain légèrement plus conséquente et du courrier. Ainsi Georges donnait de sa ration de pain à Meier chaque fois qu’il le pouvait et l’aide principale que mon grand-père apporta à Meier fut au niveau du courrier.

En effet, Georges avait trouvé un subterfuge pour permettre à Meier de donner des nouvelles à sa femme et sa fille se cachant à Lacaune. Le problème majeur était le fait que les prisonniers juifs n’avaient pas le droit de communiquer avec les autres prisonniers. Ainsi, Meier écrivait les messages, qu’il souhaitait faire passer, sur les sacs de ciments qu’il transportait, Georges pouvait ainsi ensuite récupérer ces messages, les retranscrivait et les envoyait à Lacaune en son nom. Le destinataire de ses courriers était le propriétaire du logement que louait la femme de Meier.

En juillet 1944, l’usine d’essence synthétique a été bombardée par les Alliés. Les Allemands ont incendié le camp des prisonniers Juifs et ont emmené les autres prisonniers, dont mon grand-père. Il est passé par l’Ukraine, la Pologne, la Russie, afin de finalement être libéré le 25 juillet 1945. Il est alors rentré dans le Tarn et a voulu rendre visite à la femme et à la fille de Meier, mais ces-dernières étaient parties en Belgique. Meier quant à lui, n’a plus jamais donné signe de vie après l’incendie du camp en 1944. Tout laisse à penser qu’il est décédé à ce moment. Son décès a été confirmé à sa femme et sa fille en 1957.

Léa Markscheid, la fille de Meier a finalement retrouvé mon grand-père après dix ans de recherche. Un jour de 2002, elle lui a téléphoné, lui annonçant qu’elle souhaitait le rencontrer. Ils ont donc organisé cette rencontre, en tête à tête, dans le Tarn. Léa a posé de nombreuses questions à mon grand-père qui lui a relaté tout ce qu’il pouvait sur son père. Ils ont passé toute l’après-midi à échanger. Léa a découvert l’histoire de son père grâce aux lettres que Georges avait envoyé à la mère de Léa pour Meier. Elle a donc cherché à retrouver celui qui permit à ses parents de ne pas perdre contact.

Léa et mon grand-père se sont revus deux fois, à Castres et à Paris.

Léa a entrepris des démarches auprès de Yad Vashem afin que mon grand-père soit reconnu Juste parmi les Nations. Cela a pris du temps car les preuves nécessaires à l’acceptation de son dossier étaient difficiles à collecter mais grâce aux lettres et à divers témoignages, mon grand-père, Georges Pauthes, a reçu son diplôme de Juste en juillet 2005, soit un mois après son décès…

J’ai vraiment appris l’histoire de mon grand-père seulement cinq ou six mois avant son décès. Il n’évoquait cette époque qu’avec Léa Markscheid. Il disait regretter de n’avoir fait plus. Plus pour Meier, plus pour d’autres.

Il était très discret concernant cette période de sa vie qui l’avait profondément marquée. Il avait contracté une tumeur durant la guerre, car il avait dû être opéré de l’appendicite dans le camp où les conditions d’hygiène étaient déplorables. Cette tumeur ne s’est cependant déclarée qu’en 2005. Ce fut un homme d’une grande dignité jusqu’au bout, malgré la maladie, ayant été toute sa vie une force de la nature avec une santé de fer, travaillant durement dans le bâtiment.

Mon grand-père a été et demeure un véritable modèle pour moi. »

 

Comment envisagez-vous ce voyage ?

« Je souhaitais faire un voyage en Israël depuis de nombreuses années. Je voulais le faire seul une première fois, pour prendre la mesure de ce que cela représente, afin de rendre hommage à mon grand-père, pour me recueillir, puis pour ensuite partager cela avec mon épouse et mon fils, qui est encore petit. Il est essentiel pour moi de transmettre l’histoire de ma famille à mon fils. Le voyage offert par la Fondation France Israël tombe donc à point nommé.

Le devoir de mémoire est extrêmement important, il faut transmettre ce qu’il s’est passé, surtout que cette période n’est pas si ancienne. »

 

Damien DEMONTIER - 29 ans

Arrière petit fils de Marthe et Léopold DUMAS

 

« Berek Bzura, d’origine polonaise, arrive en France en 1935. Il exerce le métier de tailleur pour femmes. En 1937, il épouse Alta Kuperminc, également d’origine polonaise. Ils habitent à Paris, rue du Faubourg du Temple.

Berek fait partie des premiers Juifs internés au camp de Pithiviers. Il est déporté par le convoi n° 4, du 25 juin 1942, à destination d’Auschwitz.

Alta décide de quitter Paris avec son fils, Lucien (né en mars 1940). Après bien des pérégrinations, ils arrivent en Gironde, à Grézillac, où M. & Mme Combe, épiciers, les recommande à la famille Dumas, agriculteurs à Faleyras.

Après avoir été informés de l’origine juive de Alta, M. & Mme Combe décident de la faire passer pour une cousine éloignée, dont le mari est prisonnier de guerre.

Pendant les trois années passées à Faleyras, Mme Bzura et son fils n’ont manqué de rien. Ils ont été adoptés par toute la famille.

Après la guerre, Alta a eu le bonheur de retrouver son mari, survivant d’Auschwitz. »

 

Carole DES - 32 ans

Arrière petite fille de Marie Pech, petite-fille de Etienne et Henriette Dès, arrière petite-nièce de Marius et Philippine Dès

 

« En 1942, Marius Dès et son épouse Philippine, originaires de l’Aude, vivent et travaillent à Paris: lui est fonctionnaire de police à la préfecture.

Dans leur immeuble réside une famille de confession juive, les Zlotnick, avec qui ils se sont liés d’amitié.

 

Les rafles se succèdent dans la capitale jusqu’au jour où Marius apprend que son immeuble est visé, que ses voisins déjà contraints de porter l’étoile jaune, sont sur la liste.

Confiant, Jacques Zlotnick refuse de fuir. Malheureusement, il sera arrêté, dirigé vers Drancy et déporté à Auschwitz d’où il ne reviendra pas.

 

Très vite, Marius Dès, connu et honoré après-guerre comme résistant, va fournir de faux papiers et diriger vers le sud, encore libre (pas pour longtemps) Rachel Zlotnick et ses deux enfants Gaston et Liliane chez son frère Etienne Dès qui vit avec son épouse Henriette, leur fille Paulette, et la mère de Philippine et Henriette: Marie Pech.

Rachel et ses enfants passeront près de trois ans dans l’Aude, à Arzens, de 1942 à 1944 avant de regagner Paris.

 

Marie Pech, Marius et Philippine Dès, Etienne et Henriette Dès ont reçu le diplôme et la médaille de « Justes parmi les Nations » à titre posthume le 11 février 2010. »

 

Que représente ce voyage pour vous ?

 

« C’est pour moi un honneur que de participer au voyage en Israël pour les descendants de « Justes parmi les Nations ». Je suis très fière de représenter mon arrière grand-mère, mes grands parents, mes grands-tantes et oncles et de leur rendre hommage.

 

Tous les cinq sont à présent décédés mais c’est adolescente, et à l’occasion de rencontres avec la famille sauvée, que j’ai découvert leur histoire.

A leurs yeux, cacher, protéger et sauver au péril de leur vie Rachel et ses enfants, Gaston et Liliane, n’était pas perçu comme du courage, ni comme un acte héroïque. Ils avaient fait ce qu'il leur semblait juste, tout simplement.

Ils n’aimaient pas beaucoup se remémorer cette période, parce qu’avec les bons souvenirs revenaient aussi, les moments difficiles. Mais après tout, même au travers de leurs silences, ils nous ont transmis leurs valeurs de solidarité, de respect et de fraternité auxquelles ma famille et moi-même sommes très attachés.

C’est toujours une grande joie pour nous de retrouver la dernière survivante de cette période, Liliane Zlotnick- Wolkowitch, et sa famille. Ces retrouvailles nous permettent de nous souvenir du courage de tous ces hommes et femmes, qu’ils aient été reconnus  « Justes parmi les Nations » ou soient restés anonymes.

C’est la première fois que je me rendrai en Israël et je me réjouis à l’avance de découvrir le pays, de dialoguer avec d’autres descendants de Justes, et de lier connaissance avec des Israéliens. »

 

Salomé FONTAINE - 25 ans

Arrière petite-fille de Marthe Labedat-Crestiaa, Petite-fille de Renée Labedat-Crestiaa Fontaine
 
« Marthe Ladebat-Crestiaa et Renée Ladebat-Crestiaa Fontaine qui sont mon arrière grand- mère et ma grand mère ont sauvé une famille de sept Juifs durant la guerre, celle-ci s'appelle Parienté. J'ai découvert cette histoire pendant ma jeunesse, la famille en parlait de temps en temps et surtout quand mon arrière grand-mère et grand-mère ont reçu la médaille des Justes en 2001. N'ayant connu que ma grand-mère, celle-ci en parlait librement mais n'étant plus là le jour de la reconnaissance de son statut de Juste, cela m'a profondément touché de lire énormément de livres sur cette période là et d'être fière d'elles et de me poser plein de questions. Voir le courage de ces deux femmes, du témoignage qu'elles ont pu avoir dans le temps et encore aujourd'hui. Je n'ai pas de contact avec la famille des rescapés, je les ai juste rencontré le jour de la cérémonie.
 
Marthe Ladebat-Crestiaa est couturière de maison en maison. Elle est veuve après seulement un an de mariage. Marthe élève seule Renée, sa fille qui a vingt-trois ans en 1944. Renée a réussi le brevet de l'École supérieure de Nay, elle est employée des Postes. Femmes courageuses, honnêtes, elles habitent la maison familiale un peu à l’écart du centre du village et à l’abri des regards indiscrets. Elles sont respectées à Boeil-Bezing.

Le secrétaire de mairie, M. Prat, est informé par le mari de sa belle-sœur, M. Dorfmann qu’une famille juive est prise en étau entre Bagnères-de-Bigorre et Biarritz. M. Dorfmann, propriétaire d’un cinéma à Pau, est le père de Robert Dorfmann qui produira quelques-uns des classiques du cinéma français : Jeux interdits, La grande vadrouille, L'aveu, Papillon, Le cercle rouge…

M. Prat demande à Marthe et Renée, mère et fille, des protestantes en qui on peut avoir toute confiance, d’accueillir cette famille comprenant sept personnes: la grand-mère, les parents et quatre enfants. Elles acceptent aussitôt. C’est ainsi qu’arrivent les Parienté, une famille de fourreurs à Bordeaux, qui se cachent dans le grenier de Marthe à partir du 15 mai 1944. Ils y vivent jusqu’à la Libération du village, le 15 août 1944. Pendant ces trois mois, totalement enfermés, ils cuisinent la nuit pour ne pas dévoiler leur présence.
 
En raison de son métier, Renée est en contact avec beaucoup de personnes du village qui fournissent aux deux femmes courageuses des produits des fermes avoisinantes. Ces suppléments d’aliments leur permettent de procurer de la nourriture à leurs protégés. »
 
 
 
 

 

Ulysse GABELLI - 20 ans

Arrière petit fils de M. et Mme GINOUX DE FERMONT

 

« Nuchem KOZAC dit Léon, né à Berlin en 1920, arrive en France en 1923 avec ses parents d’origine polonaise (père originaire de Lodz) et s’installe à Valenciennes où ils sont marchands forains.

Au moment des rafles par l’administration française, la famille part se réfugier dans la Creuse à Chatelus Malvaleix.

Le jeune Nuchem gagne ensuite Paris en 1942 où il obtient de faux papiers sous le nom de Roger Lefebvre et vit alors dans un hôtel rue Truffaut en compagnie de Jean Lefebvre qui deviendra comédien. Il a très peu d’argent et fait un peu de commerce.

Par l’intermédiaire d’un ami pianiste, Henry Blancart, il fait la connaissance en 1943 de Charley Ginoux de Fermont, ingénieur chimiste chez Worth qui leur propose l’hospitalité dans son appartement parisien rue des Eaux à Paris 16ème où il est seul, car son épouse et leurs quatre enfants sont partis en Loire Atlantique à Issé, berceau de la famille. Lorsque Nuchem Kozac lui dévoile qu’il est juif, M. Ginoux de Fermont maintient son offre totalement désintéressée. Après quelques mois de vie dans une claustration quasi-permanente et en raison des bombardements, début 1944, il va partir à Issé en Loire Atlantique où il sera caché en tant que cousin venant du Nord dans une maison appartenant aux Ginoux. Après le débarquement et la libération de la région par les troupes canadiennes, il rejoint ses parents dans la Creuse. Après la Guerre, il retourne à Valenciennes et devient marchand de vêtements.

Charley de Ginoux s’engage dans la 2ème DB du Général Leclerc où il termina la guerre en occupant le nid d’aigle.

Des contacts étroits et amicaux ont été maintenus après la guerre.

Le témoignage de Nuchem Kozac a été confirmé par sa sœur Sara, née en 1933, qui a été cachée pendant toute la guerre dans la Creuse avec ses parents.

La fille des Ginoux, Anne, née en 1937, se souvient aussi de son séjour dans la propriété de ses parents. »

 

Mathilde JAUSSAUD - 24 ans

Arrière petite-fille d’Auguste et Clély BROCHIER

 

« Auguste Brochier est né le 18 Mai 1895 à Saint Julien en Champsaur (Hautes-Alpes), Clély Disdier, le 3 Décembre 1898 à Chantausel (Hautes-Alpes).

Auguste fût mobilisé entre 1914 et 1918. Il se maria avec Clély fin 1923. Ils travaillèrent en tant que fermiers dans différents villages de l’Isère et des Hautes-Alpes puis s’installèrent avec leurs 5 enfants (Claude, Bernard, Marie-Thérèse, Eugène et Cécile) à Charance au début des années 30 où ils louèrent une ferme. Claude y est né.

En 1939, Auguste, mobilisable du fait de son âge, fut exempté car il était soutien de famille.

La famille Vorms (la « petite Michèle » et ses parents) ont quitté Paris pour Marseille avant la rafle du Vel-d’Hiv. En janvier 1943, prévenu par un gendarme d’une rafle prochaine à Marseille, ils se sont réfugiés à Gap où habitait un cousin. Après quelques jours à l’hôtel, ils louèrent la maison attenante à la ferme de Charance faisant ainsi la connaissance de la famille Brochier. Michèle Vorms, 5 ans, trouva en Claude Brochier, 8 ans, un compagnon de jeux apprécié. 

 

Les cousins, Gérard Vorms, sa femme Suzanne, sa sœur Lucie Vorms et les trois fils de Suzanne et Gérard, Philippe, né en 1924, Jean né en 1929 et François né en 1934, habitaient à Gap 8 rue des Remparts. Jean et François étaient scolarisés à Gap. Ils venaient régulièrement à la ferme où François a appris à lire l’heure à Michelle. Ils ont tous les cinq ont été arrêtés le 13 février 1944 et sont arrivés à Auschwitz le 30 mars 1944 (convoi N°70). Ils ne sont pas revenus.

Devant la menace de plus en plus pesante, les Vorms quittèrent la maison et Bernard, l’aîné de la famille Brochier, les emmena de nuit dans un lieu à ce jour encore inconnu.

Ils quittèrent cette cachette précipitamment quand Michèle demanda un matin au facteur s’il avait du courrier pour les Vorms. Ils revinrent se cacher à la maison de Charance et confièrent Michèle aux parents Brochier (« nous avons 6 enfants, nous en aurons 7 »).

Michèle habita désormais chez les Brochier, dormant avec Claude dans la chambre d’Auguste et Clély. Elle appelait Auguste « Mon papanou » et sautait sur ses genoux en cas de visite des Allemands.  

 

Un homme nommé Michel, gestapiste notoire et ancien des camps de jeunesse, qui savait pertinemment que la fratrie Brochier n’était composée que de six enfants, venait jouer avec Michèle mais n’a jamais dénoncé la famille, peut-être par respect pour Auguste. En effet, Auguste était une personne respectée par ses voisins et les habitants des alentours car il avait une honnêteté morale et professionnelle, une prestance et une fierté qui lui donnaient beaucoup d’aura.

 

Après la libération de Gap (en aout 1944), la famille Vorms est restée quelque temps à Charance, jusqu’en Novembre 1944, puis ils sont remontés sur Paris. Ils eurent un fils prénommé Bernard en l’honneur de Bernard Brochier.

A l’été 1949, les Vorms sont revenus à Charance rendre visite aux Brochier. Andrée Vorms a gardé un contact épistolaire avec Clély (jusqu’à la mort de celle-ci en 1988).

Une première démarche a été entamée par Michèle en 1990 pour se rapprocher de la famille Brochier, mais Eugène, qui habitait alors la ferme avait refusé la médaille des Justes arguant que ses parents n’avaient fait que leur devoir sans attendre de contrepartie.

En 2007, Laurence, la fille de Michèle, a réussi à retrouver Claude et a pu avec son accord et celui des membres de sa fratrie toujours en vie entamer les démarches auprès de Yad Vashem. »

 

Que représente ce voyage pour vous ?

« J'ai toujours été passionnée par la période de la seconde guerre mondiale. En effet, ma mère, très intéressée par l'histoire et ayant eu un père Maquisard entre 1940 et 1945, m'a fait découvrir très jeune le "Journal d'Anne Franck", témoignage qui m'a profondément bouleversée. Je n'ai eu de cesse depuis de lire d'autres témoignages et de me renseigner sur la seconde guerre mondiale, l'occupation, la résistance et la Shoah.

Israël est un pays dont l'histoire est très liée avec celle de la seconde guerre mondiale et de la Shoah, d'un point de vue historique ce voyage sera donc extrêmement enrichissant pour moi.

D'autre part, j'ai toujours su que du côté de mon père, mes arrières-grands parents avaient caché une enfant juive. Nous n'avions pas de détails, mes deux arrières grands parents étant morts et leurs enfants pensant que c'était de l'histoire ancienne et qu'il était inutile d'en parler. Nous avons appris les faits lorsque Laurence Chouraqui, la fille de Michèle la petite fille cachée par mes arrière-grands parents, est venue nous parler de la médaille des Justes et lorsqu'elle a réussi à reconstruire, avec l'aide des survivants, leur histoire (qui est aussi la sienne).

Ce voyage en Israël est pour moi l'occasion de rendre hommage à mes arrières-grands parents ainsi qu'aux autres "Justes parmi les Nations". Il sera aussi l'occasion de ne pas oublier tous ceux qui, ayant pris les mêmes risques que les Justes, ont eu un destin tragique.

Il me parait fondamental de transmettre la mémoire de ces hommes et femmes qui ont su prendre à une époque très difficile des risques énormes sans attendre une quelconque récompense. »

 

 

Laurent JULIENNE - 27 ans

Arrière petit-fils de Émile et Denise PRESTAVOINE 

 

« Ma grand-mère (Andrée Prestavoine) et son frère (Maurice Prestavoine) ont reçu cette distinction en 13 février dernier.

Nous n’avons jamais parlé de cette histoire auparavant. J’ai appris cette histoire début janvier en recevant un courrier de Raymond Ganopnoskii (la personne qu’ils ont caché pendant l’occupation) que ma grand-mère m’a transmis. En lisant ce courrier j’ai eu une très forte émotion sur ce que ma famille a fait pendant cette période !

On en parle maintenant ouvertement. Raymond fait parti de la famille. Même si avant aujourd’hui nous n’en avons jamais parlé. Il a changé et ancré des souvenirs dans ma famille.

Nous avons tous pris contact avec Raymond. Moi-même je commence seulement à lui envoyer des mails. Je me suis rendu ,il y a peu, au mémorial de la Shoah pour le visiter. La première chose que j’ai faite a été de retrouver le nom de son père sur le mur. J’ai pris une photo du mur pour lui transmettre. Cela a été une drôle de sensation. Je ne connais pas cette personne mais étrangement elle fait partie de la famille.

Raymond habite sur Nice. Il est difficile pour mes oncles, tantes, cousins et cousines d’aller le voir régulièrement,ainsi que pour ma grand mère. Mais je sais qu’ils s’appellent plusieurs fois par mois.

Denise et Émile Prestavoine, un couple de normands, accueillent chez eux Raymond Ganopnoskii, 3 ans et demi et vont lui sauver la vie en faisant croire aux autorités que Raymond est leur enfant.

Les parents de Raymond avaient immigré de Moldavie en France, à la fin des années 1920. Avec la guerre et les mesures anti-juives, son père est arrêté par la milice française, conduit à Drancy puis déporté à Auschwitz.

Par un ami commun, Mme Ganopnoskii réussit à placer Raymond chez les Prestavoine et son frère aîné dans la Manche.

De 1942 à 1945, la famille Prestavoine a caché "le petit Raymond", gamin juif de Paris que sa maman avait mis à l'abri chez eux. Andrée, l'aînée des trois enfants du couple qui tenait un café-épicerie à Frênes (en bordure de la route Landisacq - Tinchebray) était adolescente à l'époque. Elle se souvient de ce "petit bonhomme adorable". "À l'époque, il n'a jamais parlé de sa famille", indique Andrée. Mais son père avait été exterminé après avoir été arrêté par la police française en 1941 alors qu'il se rendait à son travail. Interné dans le camp de Drancy jusqu'au 2 juin 1942, il a été déporté à Auschwitz.Raymond savait que sa maman était cachée. Nous lui avons envoyé beaucoup de colis qu'elle recevait par l'intermédiaire d'une concierge dans le petit appartement où elle restait enfermée.

"J'étais comme le petit dernier. J'en étais très fier et très heureux.", dira Raymond lors de la remise de la médaille des Justes à ses sauveurs. Il évoque les courses avec Andrée ou les balades sur le porte-bagages du vélo de Maurice et son amitié pour Odette, la cadette de la famille.


Le grand frère de Raymond, âgé d'un peu plus de dix ans, avait été placé dans une famille à Virey dans la Manche. Mais après le débarquement, alors qu'il sciait des balles avec des copains, l'une d'elles a explosé. Il a été tué et les autres très gravement blessés.

Le petit Raymond va retrouver sa maman en 1945. Mais minée par ces épreuves, elle laissera un Raymond orphelin à 17 ans.

Raymond perdra le contact avec la famille Prestavoine pendant 62 ans...
"Nous ne nous sommes pas recherchés pendant tout ce temps, ni les uns ni les autres", explique Andrée.
Les retrouvailles ont finalement eu lieu au printemps 2007 et près de quatre ans plus tard le geste de la famille Prestavoine va s'inscrire dans l'Histoire. "Le nom de nos parents va être gravé sur le mur des
Justes, retient Andrée. C'est une chose très importante". 

 

Marie-Alix de LEPINAY - 27 ans

Arrière petite-fille de Germain et Simone de Saint Seine

 

« Mes arrières grands-parents Germain et Simone de Saint Seine vivaient à côté de Poitiers et étaient à la tête d'une laiterie produisant lait, beurre et fromage.

Dès les premières semaines de la guerre, les villages de Moselle ont été évacués et la famille d'un drapier lorrain, Arthur Cerf, s'est retrouvé par hasard en Poitou. Le Père Jean Fleury (la médaille de Juste lui a été remise le 24 mars 1964), supérieur du collège Saint Joseph de Poitiers, futur protecteur des juifs pourchassés, s'est montré l'un des plus actifs pour l'accueil des réfugiés. Il a placé Monsieur Cerf comme chauffeur/livreur dans la laiterie de mes arrières grands-parents, qui l'ont logé alors ainsi que sa femme et leurs 3 enfants dans leur propriété. Il n'était alors encore question que de solidarité entre français.

Mais vinrent les lois raciales d'octobre 1940. Les Cerf devaient porter l'étoile jaune. Grâce au Père Fleury, ils ont échappé à une première rafle, mais leur vie au grand jour n'était plus possible. Poitiers se trouvait en zone occupée et tous les Juifs de la région étaient tenus de se faire enregistrer au commissariat de police le plus proche. Néanmoins, mes arrières grands-parents ne signalèrent pas la présence de la famille Cerf. Sans la moindre hésitation, ils les cachèrent dans leur maison.

Ils trouvaient ça normal: à partir du moment où le Père Fleury leur avait demandé de les aider, ils l'ont fait.

Dans l'immense corps de ferme où se côtoyaient les employés de maison et les ouvriers agricoles, personne ne trahira jamais le secret. Jamais les Allemands, installés à 300 m de là ne soupçonnèrent la présence d'une famille juive.

Dans son témoignage après la guerre, Arthur Cerf souligne que mes arrières grands-parents leur avaient facilité l'observance des préceptes alimentaires de la religion juive et s'étaient appliqués à donner des tâches à remplir aux réfugiés, leur permettant ainsi de conserver leur dignité.

Lorsque la pression des autorités de Vichy et des occupants pour traquer les Juifs ayant échappé aux rafles s'est faite trop forte, ils ont évacué l'ensemble de la famille vers les Deux-Sèvres, où ils attendront la libération.

Quand au père d'Arthur Cerf, mon arrière grand-mère tenta de le loger chez des parents à Ligugé, dans la Vienne; ensuite elle le logea dans sa maison. Les Allemands se présentèrent un jour au domaine et lui demandèrent où se trouvait le vieux monsieur. Elle réussit à les convaincre qu'il avait disparu.

En outre, ils donnèrent asile à trois autres enfants Juifs, que mon arrière grand-père réussira plus tard à faire passer en zone non occupée.

A la fin de la guerre, la famille Cerf a regagné la Moselle, où seul Norbert, aujourd'hui décédé, est resté. Le reste de la famille a gagné Israël.

Mes arrières grands-parents ont reçu la médaille des Justes des mains de M. Itzhak Michaeli, Consul général d'Israël, le 27 mars 1979 à l'hôtel de Ville de Poitiers. Ils n'aimaient pas se mettre en avant et ont simplement déclaré à cette occasion: "Nous sommes très sensibles à ce témoignage de reconnaissance. Nous avons agi et continueront à agir pour tout individu soumis aux persécutions. Nous tenons à préciser que si nous avons pu réussir, les habitants de Vouneuil et le personnel employé sur notre exploitation y ont contribué par leur discrétion et leur aide bienveillante. Ils méritent de recevoir les remerciements qui nous sont adressés aujourd'hui". »

 

Que représente ce voyage pour vous ?

« Mes arrières grands-parents et leurs sept enfants se sont toujours montrés très discrets sur cette partie de leur histoire, l'abordant toujours avec pudeur et beaucoup d'humilité.

Pouvoir participer à cet hommage aux Justes, c'est aussi un moyen de prendre conscience de la chance que nous avons d'avoir des exemples comme eux.

Serions-nous aujourd'hui prêts à prendre les mêmes risques qu'eux pour sauver l'Autre, sans hésiter un instant ? Le ferions nous aussi naturellement, aussi spontanément, au nom de la Foi ?

Le souvenir de ces moments tragiques et de leurs actes héroïques devrait nous donner les moyens de mieux nous comprendre, quand la place des religions dans notre société suscite tant de controverses.

Alors que mes arrières grands-parents et beaucoup d'autres Justes ont maintenant disparu, à nous d'entretenir le souvenir et la valeur de leurs actes auprès de nos enfants.

Je suis profondément émue de découvrir Israël dans de telles circonstances. »

 

Capucine MEZEIX - 27 ans

Arrière petite nièce d’Arthur René Sentex 

 

Arthur René Sentex (1889-1947) était mon arrière grand-oncle, c’est à dire le frère de mon arrière grand-mère. Je ne l’ai jamais connu car il est mort bien avant ma naissance. J’ai l’impression d’avoir toujours su que dans ma famille des gens avaient protégé des personnes juives pendant la guerre, sans vraiment connaître la totalité de l’histoire.

 

C’est lorsque Mme Courtès-Bordès a pris contact avec mon père en tant que descendant d’Arthur René Sentex que j’ai appris plus précisément ce qui s’était passé. Elle a en effet mené des recherches avec ses élèves du collège sur les enfants juifs à Lectoure pendant la Seconde Guerre mondiale et a récolté des témoignages de diverses personnes de cette époque. Suite à son travail Arthur Sentex a reçu le titre de « Juste parmi les nations » de manière posthume. Nous, ses descendants, avons pu connaître plus précisément quelle avait été son action. Car finalement nous ne savions pas grand chose; mon père regrette d’ailleurs aujourd’hui de n’avoir pas davantage questionné ses parents et sa famille sur cette époque, au delà des récits presque mythiques de grands repas organisés pour des réfugiés ou du rôle de ma grand-mère comme estafette.

 

Arthur Sentex, prêtre catholique, est devenu Archiprêtre de Lectoure en 1930. Il était également professeur de philosophie au lycée Saint Joseph et aumônier de la Jeunesse Catholique, deux fonctions qui l’aideront dans ses actions clandestines en faveur des réfugiés et des résistants.  

C’était un homme discret, éducateur, humble, « plein de foi et d’amour pour tous les hommes ses frères » rapporte l’abbé Bernès, un de ses vicaires. Un homme d’Église qui a fait le choix d’être inscrit dans son époque parmi les hommes et les femmes, en l’ayant réfléchi, et voulu. En 1920 il soutient une thèse, « de la contingence dans la philosophie moderne » ; la contingence comme l’idée que l’on se fait de la nature, de la liberté humaine et de Dieu. Cela éclaire probablement ses engagements et ses valeurs pour lui, le prêtre, l’implication dans les actions humaines, dans l’Action catholique de la Jeunesse française et dans la résistance : l’Église au service des autres.

 

 

Il a ainsi aidé plusieurs familles juives, notamment la famille Kaluzynski (Frydmann), la famille Reznik (Montluc) et la famille Weissman qui étaient présentes à la cérémonie de remise du titre de Juste. A cette occasion, Dora Weinberger Weissman, qui avait 12 ans à l’époque, a raconté le parcours de sa famille. Son père, d’abord réfugié à Metz, a rejoint Lectoure accompagné de sa femme et de sa fille, cachés dans une locomotive, grâce à l’aide de cheminots. Lorsqu’il a su qu’il était recherché par la police en tant que Juif, il a trouvé refuge dans le clocher de l'église Saint-Esprit, caché par l’archiprêtre Sentex. Dora, qui vit aujourd’hui en Israël, se souvient être allée lui porter secrètement de la nourriture dans le clocher.

 

La famille Reznik a rappelé lors de cette cérémonie qu’Arthur Sentex avait promis à la mère de Marie Reznik que s’il devait lui arriver quelque chose, lui, l’Archiprêtre catholique, élèverait sa fille dans la religion juive.

L’histoire de mon arrière-grand oncle fait partie de mon histoire personnelle, mais elle rejoint une partie de l’histoire humaine universelle.

C’est un très grand honneur pour moi et pour ma famille que l‘archiprêtre Sentex soit reconnu « Juste parmi les nations » car il représente des valeurs de résistance à l’oppression et de solidarité entre les hommes et les femmes : dire non à l’occupant, au régime de Vichy, aux milices françaises et risquer sa vie pour sauver des juifs. Quelle conscience, quel courage.

 

Il constitue pour moi une magnifique leçon et un exemple à réfléchir et à méditer. Comment aujourd’hui poursuivre l’universalisme de l’action et des valeurs des Justes ? Comment continuer aujourd’hui à défendre partout dans le monde, le réfugié, l’étranger, la personne d’une autre religion, et les valeurs de respect, de fraternité et de solidarité humaine. Un seul regard montre que dans le monde un très grand chemin reste encore à faire…

 

Je reprends, pour finir, quelques mots du discours du Président de la République Jacques Chirac lors de la cérémonie des Justes au Panthéon à Paris en 2007 en présence de Simone Veil : « à un moment où montent l’individualisme et la tentation des antagonismes, ce que nous devons voir, dans le miroir que nous tend le visage de chaque être humain, ce n’est pas sa différence, mais c’est ce qu’il y a d’universel en lui ». » 

 

Que représente ce voyage en Israël pour vous? 

« Ce voyage en Israël m’apparaît comme très intéressant, en particulier sur les plans humains et historiques. Je me réjouis tout d’abord de rencontrer d’autres descendants de Justes. J’espère également pouvoir revoir les descendants d’une des familles vivant en Israël que mon aïeul a aidées et si possible rencontrer d’autres membres de leur famille.

 

Au-delà de la question des Justes, j’ai très envie de découvrir Jérusalem, en tant que berceau des trois religions du Livre et foyer historique de civilisations.

Lors des rencontres prévues avec des jeunes, j'espère des discussions intéressantes avec eux pour mieux les connaître ainsi que leurs idées, leurs réflexions et leurs espoirs. 

J’essaierai d’être à la hauteur des valeurs des Justes que je porte avec moi, solidarité, respect de l’autre au-delà des différences et résistance à l’oppression, pour honorer la mémoire de mon arrière-grand-oncle.

J’espère que ce voyage participera à la prise de conscience générale de l’horreur de la Shoah et avec elle de la nécessité à combattre partout et toujours les ferments de haine entre les peuples. »

 

 

Adeline NAVARRO - 26 ans

Petite-fille de Claudius Couturier

 

« J'ai découvert l'histoire de mon grand-père, aujourd’hui décédé, quelques jours avant la remise de la médaille des Justes, en 1997, j'avais donc 12 ans. Avant cela, je n'en avais jamais entendu parler. Mon grand-père était quelqu'un de discret et ne parlait pas beaucoup de son passé, ce qui est plutôt rare, je vous l'accorde! Je pense qu'il n'en parlait pas, tout simplement, parce que pour lui, il n'y avait rien à en dire, c'était un geste tout à fait "normal" que d'héberger quelqu'un en danger....

Depuis la remise de la médaille, nous sommes étroitement restés en contact avec David Avizar, la personne sauvée par mon grand-père, qui vit aujourd'hui en Israël . Nous communiquons par mail. Parfois il revient en France pour rendre visite à son frère, qui vit ici. Dans ce cas là, il passe souvent voir un de mes oncles (André Couturier), le seul à l'avoir connu. Personnellement, je ne l'ai rencontré qu’une seule fois, le jour de la remise des médailles.

Il m’a été difficile d’obtenir des informations sur l’histoire de mon grand-père car le seul de mes oncles à avoir connu cette période avait 2 ou 3 ans à l'époque. Cependant, j’ai pu avoir l'histoire qui était écrite sur le livre des Justes.


Claudius Couturier et sa femme Denise, en 1941, prirent David Avizar en pension. Ses parents étaient originaires du Maroc et il était venu travailler chez Rhône-Poulenc à Saint-Fons. Dans les années 20, avec son frère, ils avaient été placés dans des fermes, à Grandris et Meaux-la-montagne.

 

En 1942, les gendarmes cherchaient les Juifs, alors Claudius protégea David. Il lui expliqua que faire en  cas de danger, et lui montra où se cacher jusqu'à la libération.

David resta donc chez mon grand-père jusqu'en 1945, séjour qu'il apprécia fortement. On l'appelait le berger. Mon grand-père lui offrit même un couteau Opinel, cadeau qui marqua beaucoup David.En 1946, David partit en Palestine.Le 9 décembre 1997, Claudius Couturier fut décoré de la médaille des Justes parmi les Nations.

David a appris le métier d'agriculteur à Gondras. Je sais que, actuellement, ou  il y a encore quelques années, David cultivait des oranges en Israël.

A l'époque où mon grand-père l'a hébergé, il n'avait que deux enfants. Aujourd'hui, il a neuf enfants et de nombreux petits-enfants et arrières petits-enfants… »

 

Que représente ce voyage en Israël pour vous?

« J'envisage ce voyage un peu comme une aventure humaine, à la fois car on sera un groupe, de personnes qui ne se connaissent pas, et puis aussi par la rencontre avec les rescapés. Je m’attends à ce que ce voyage soit très fort en émotions, et je n'oublierai surtout pas d'emmener un paquet de mouchoirs (voir même plusieurs...). 

Pour moi, c'est une réelle chance que d'avoir le droit à ce voyage, une chance qu'il ne fallait pas laisser passer, car elle ne se représentera plus! 

En soi, je n'en attends rien en particulier, car quand on attend trop, on est souvent déçu. Donc je reste très ouverte, je sais qu'il y aura de nombreuses rencontres, parmi celles-ci surement de très belles, déjà rien qu’avec David Avizar! Sans parler de tous les autres jeunes qui seront là. C'est l'occasion d’échanger, d'ouvrir un peu plus nos esprits au monde qui nous entoure. 

Je suis très heureuse de pouvoir réaliser ce voyage. Un petit sentiment lointain de "peur", comme toute aventure, il y a un côté "inconnu" qui peut faire peur. Mais le sentiment général qui ressort c'est le bonheur, l'envie d'y être et de vivre à fond cette aventure! 

Je suis très fière de mon grand-père. Ce voyage représente une reconnaissance pour lui, qui malheureusement n'est plus là, mais qui passe par un de ces petits-enfants. Je trouve ce geste et cette initiative très beaux, et j'espère que de là haut, il verra ça. »

 

 

Blaise PALOPOLI - 21 ans

Petit-fils de Joseph & Paule THIOLLIER

 

« Les Justes de ma famille sont Paule et Joseph Thiollier qui sont mes grands-parents maternels.

Je connais l’histoire de ma famille par ma mère et son frère, Philippe, non par mes grands-parents eux-mêmes car ils vivent en France et je vis en Italie, ainsi il était difficile de les voir régulièrement. Ils sont à présent décédés.

J’ai su que Paule et Joseph étaient Justes lorsque j’étais enfant. Ils ont accueilli deux petites filles, Monique et Yvonne Netter, à partir du 25 aout 1944, alors que St Etienne était libre. Monique est toujours vivante et s’est mariée. Je ne l’ai jamais rencontrée toujours du fait que je vive en Italie.

Je connais bien l’histoire de Monique et Yvonne. Les petites filles et leurs parents ont été dénoncés à l’hiver 1943/1944 mais ont pu s’échapper car ils avaient eu vent que les Allemands arrivaient. Ils se rendirent donc dans le centre ville de St Etienne, chez Fernand et Catherine. Néanmoins le centre ville était un endroit dangereux et ils étaient quatre. Un ami leur parla de Paule and Joseph Thiollier. C’était un jeune couple avec deux enfants, Philippe and Marie-Madeleine. Mes grands-parents avaient ainsi leurs deux enfants et faisaient passer Monique et Yvonne pour leurs nièces. La guerre prit fin et les nazis ne les découvrirent pas. »

 

Que représente ce voyage en Israël pour vous?

Question difficile ! Tout d’abord, j’ai toujours été très sensible et touché par l’histoire de la Shoah. J’ai eu l’opportunité d’aller à Auschwitz et Bergen Belsen avec l’école. Je suis très intéressé par l’histoire juive, je suis donc très content de pouvoir aller en Israël. Tout le monde m’a dit que Jérusalem et Tel Aviv étaient des villes magnifiques.

De plus, je souhaite mettre l’accent sur mon ascendance française, moi qui suis franco-italien. Je pense que rencontrer des gens comme vous, de la Fondation France Israël, qui continue d’œuvrer pour le devoir de mémoire, est extrêmement important.

J’attends donc beaucoup de ce voyage mais je veux donner mon maximum en retour. »

 

 

Julien PELLACOEUR - 27 ans

Arrière petit-fils d’Henri et Marguerite PELLACOEUR

 

« Les parents sont polonais, Joseph Jérémiaz né à Nadarzyn en 1896, la mère Marie Kopelman née à Varsovie en 1902.Ils viennent en France en 1923, se marient en 1930 à Paris 10ème. Joseph Jérémiaz est chapelier, 8 rue saint Bon, Paris 4ème. Ils seront naturalisés français en 1947. Ils habitent 3 rue Corbeau (rebaptisée rue Jacques Louvel Tessier) Paris 10ème .

Ils ont deux fils, Bernard, né en 1924 et Marius né en 1927. Ces derniers sont français. René Pellacoeur né en 1928 et Marius Jérémiaz vont dans la même école communale. Marius fréquente ensuite l’école des Arts Appliqués à l’Industrie, dont il sera exclu par les lois raciales de mai 1942.

Les parents de René, Henri et Alice Pellacoeur, tiennent une loge de concierge située 2 rue, Maire et Louise Paris 10ème. La passion du dessin et de l’art rapproche Marius et M. Pellacoeur.

Henri Pellacoeur apprend que des rafles doivent avoir lieu le 16 juillet 1942. Avec l’approbation de son épouse, sans hésiter, il cache Marius dans la chambre attenante à la loge, puis les trois jours suivants dans une chambre du deuxième étage. Ils partagent leur maigre nourriture avec Marius.

Joseph Jérémiaz et son fils Bernard sont depuis quelques mois en zone libre. Mme Jérémiaz est cachée chez une voisine de palier, Mme Font, 3 rue Corbeau.

Il y a danger. Henri Pellacoeur falsifie la carte d’identité de son fils René. Muni de cette fausse carte, Marius et M. Pellacoeur prennent le train pour Angoulême où ils se rendent à une adresse indiquée par Cécile et Henri Steingart du Bund (dès l’âge de 10 ans, Marius adhère aux jeunesses socialistes juives). Marius passe en zone libre, dans un camion bâché, entouré des musiciens de l’orchestre Raymond Legrand. Il rejoint son frère Bernard à Lyon.

Leurs parents étrangers, sont en résidence forcée à Saint Félicien, en Ardèche. Les jeunes partent en Ardèche. En relation avec le parti socialiste, Marius et Bernard Jérémiaz prennent le maquis. Une attestation des F.F.I, jointe au dossier, confirme que Marius Jérémiaz a participé avec le grade d’adjudant, à de nombreux coups de main du 10 juin 1944 au 20 septembre 1944, et à la libération de Lyon. Son frère est grièvement blessé dans les combats.

Démobilisé, il rentre à Paris, retrouve l’appartement de la Rue Corbeau, vide. A la libération, Marius Jérémiaz est réintégré dans l’école des Arts Appliqués.

Le père, Joseph Jérémiaz, de retour dans la capitale, récupère son atelier de chapelier qui avait été réquisitionné par un gérant aryen. »

 

Nicolas Piel - 26 ans

Arrière petit-fils des familles Piel et Bodin 

 

« Voici les histoires de mes arrières grands-parents : deux familles de Justes, réunies par le mariage de mes grands parents paternels : Albert Piel et Yvonne Bodin. Ils se sont rencontrés pendant la guerre et se sont mariés en 1947.

Ma grand-mère, Yvonne Piel-Bodin, ne nous a parlé de ce qui s'était passé il n’y a qu’un an, à l'occasion de la cérémonie de remise de la médaille des Justes à mes arrières grands-parents à titre posthume, le 8 juin 2010. Je n'ai jamais connu mes arrières grands parents (Justes parmi les Nations) et mes grands-parents n'en avaient jamais parlé directement ni à mes parents ni à leurs petits-enfants.

 

 

Ø    Armand et Marie-Thérèse Piel (parents d'Albert Piel, mon grand père et beaux-parents de Yvonne Bodin, ma grand-mère) ont accueilli Brenca Gans, épouse Da Silva Curiel, dite Bertille (nom d'emprunt pendant la guerre), qui vit actuellement au Pays Bas. Je ne connaissais que peu son histoire pendant la guerre, mon grand père ne m'en ayant jamais parlé. Nous avons été assez régulièrement en contact avec Bertille, et l'avons rencontré au Pays Bas.

 

En 1942, un passeur anglais en route pour le Portugal fut abattu au dessus du petit village Saint Hilaire du Harcouët (Normandie). L’aviateur emmenait deux adolescents juifs hollandais (Lewis et Branca) au Portugal où ils devaient rejoindre des membres de leur famille. Les résistants locaux confièrent les deux enfants à mon arrière-grand-père, Monsieur Armand Piel. Ce dernier ne faisait partie d’aucun réseau de Résistance mais en tant qu’officier de l’armée française à la retraite et catholique, le chef du réseau crut pouvoir compter sur Monsieur Piel, son sens du devoir et son aversion naturelle pour l’Allemagne (ses frères ainsi que ses beaux-frères avaient été tués dans les tranchés de la guerre 14-18).

Les habitants du village connaissaient l’existence de ces enfants hébergés mais personne n’en parlait. Un jour, alors que Lewis allait se faire couper les cheveux, il s’entendit dire par le coiffeur: « Pauvre petit enfant juif qui se cache », notamment à cause de son fort accent. A la suite de cet incident, pour la sécurité de l’enfant, mes arrières grands-parents placèrent le garçon dans une famille de confiance, la famille Bodin (qui a également reçu le titre de « Juste » et sur laquelle je reviendrai) vivant à la campagne. Mes arrières grands-parents gardèrent la fillette (Branca-rebaptisée Bertille) et veillèrent scrupuleusement à ce que le frère et la sœur se voient très régulièrement.

 

Bertille est restée jusqu’à la fin de la guerre chez mes arrières-grands parents, traitée et aimée comme leur propre fille. Mon grand-père et ses trois frères la considéraient comme une sœur. Elle nous a raconté que, chaque année, les premières fraises du jardin lui étaient réservées. Pendant la guerre, elle ne pouvait pas aller à l’école mais ils lui ont fait prendre des leçons de français et de piano.

 

Les enfants furent ainsi hébergés chacun de leur côté jusqu’à Noël 1945, afin de s’assurer qu’ils ne couraient plus aucun danger. Seule la mère des enfants a survécu à la guerre et a pu retrouver ses enfants.

  

Nous sommes toujours en contact avec Bertille, qui vit aujourd’hui aux Pays-Bas. Elle a exigé que tous les membres de sa famille apprennent à parler français et nous avons accueilli une de ses petites filles en séjour linguistique il y a quelques années. A la demande de ma cousine, Raphaëlle Petit, Bertille a relancé il y a trois ans les démarches pour que mes arrières-grands parents soient officiellement reconnus comme Justes; elle a aussi voulu que mon grand père (qui était le dernier vivant de ses frères français à l’époque) y soit associé; il a toujours refusé de remplir les dossiers car il ne comprenait pas en quoi il aurait fallu le féliciter d’avoir fait ce qui lui semblait être une simple évidence.

 

Mes arrières grands-parents ont reçu le titre de Justes, à titre posthume, en 2009.

 

 

Ø    Marcel et Angèle BODIN (parents d'Yvonne Bodin, ma grand mère) ont accueilli le frère de Bertille, Lewis Gans dit Jean -Pierre (nom d'emprunt pendant la guerre) qui a vécu aux Pays Bas et est aujourd'hui décédé.


Voici les souvenirs d’Yvonne Bodin, ma grand-mère :

 

« Étudiante à Paris depuis 1940, je venais pendant les vacances chez mes parents, à Saint Hilaire du Harcouët, petite ville de Normandie, à une quarantaine de kilomètres du Mont Saint-Michel.

Un jour, à mon arrivée, on m’a présenté un jeune homme prénommé Jean-Pierre, il s’agissait en fait de Lewis Gans. Il aurait été imprudent à l’époque de dire au téléphone ou d’écrire dans une lettre une information de ce genre.

A son arrivée à St Hilaire, avec sa jeune sœur Branca/Bertille, après de multiples changements de lieux, Lewis avait été conduit, par souci de discrétion, dans une petite ferme située dans un endroit isolé et dans une région peu peuplée.

Le fermier, propriétaire de cette ferme avait été réquisitionné pour aller travailler en Allemagne. Sa femme était accablée de travail.

Lewis, venant d’une famille aisée d’Amsterdam, a dû être déconcerté de se trouver, en pleine campagne, au milieu d’un troupeau d’animaux de ferme : le cheval, les vaches, les porcs, les moutons. Il était jeune et a dû travailler dur car il y avait beaucoup à faire. Il lui fallait un fort caractère pour supporter cette situation.

Mais il était énergique et courageux et faisait certainement à la perfection les tâches qui se présentaient à lui. J’ai eu ultérieurement l’occasion d’apprécier ses qualités.

Les Piel, qui hébergeaient Branca, ont demandé à mon oncle et ma tante Anger qu’ils connaissaient bien, si mes parents qui habitaient en dehors de la ville pouvaient accueillir Lewis. Il fallait encore et toujours être discret, notamment pour les hommes qui étaient les plus ciblés par les recherches.

Son mode de vie s’est amélioré quand il a eu la possibilité de quitter la petite ferme.

Mon père était herbager, qui signifie éleveur dont tout le cheptel vit constamment dans les pâturages.

Il y avait des employés pour les travaux courants de l’exploitation. Mon père avait l’entière responsabilité du troupeau de chevaux et de jeunes vaches. Sa tâche consistait à la surveillance sanitaire et au contrôle indispensable des pâturages pour assurer la qualité des animaux. Il devait également contrôler le bon fonctionnement des pompes automatiques qui fournissaient les énormes quantités d’eau absolument nécessaires pour le troupeau.

Dès l’arrivée de Lewis à la maison, mon père avait pris la décision de lui demander de l’accompagner dans ses inspections quotidiennes.

Après quelques semaines, mon père nous avait dit qu’il n’avait jamais connu un jeune homme aussi attentif et prévenant en toutes circonstances.

Le soir, ils rentraient tous deux fatigués et dès la fin du repas, Lewis montait dans sa chambre.


Je pensais qu’il allait rapidement se reposer. Or, un soir, assez tard, j’avais été obligée d’aller en urgence chercher des draps stockés dans l’armoire de sa chambre. Vu l’heure tardive, j’avais frappé doucement à sa porte pour ne pas le réveiller. Or à ma grande surprise, je l’avais vu à genoux sur le parquet, appuyé sur le côté du lit, la tête entre les mains. J’avais été très étonnée et émue, et depuis, chaque fois que je pense à Lewis, c’est l’image que je vois.

Saint Hilaire a subi des bombardements dès juin 44, peu après le Débarquement. Les Anger et les Piel, sont venus se réfugier chez mes parents. Nous étions nombreux dans la maison. Avec mes cousins, les fils Piel, Branca et Lewis, nous étions une quinzaine. Je me souviens des piles de linge qu’il fallait étendre et que Mme Piel repassait ; de ma mère et de ma tante Germaine qui faisait cuire des poulets en nombre et de la grande table qui réunissait tout le monde.

La guerre finie, nous avons continué de nous voir régulièrement, c’est donc une amitié de plus de 65 ans qui a vu le jour lors d’une période difficile que fut la guerre. »

 

Que représente ce voyage pour vous ?

 « J'envisage ce voyage en Israël avant tout comme une excellente occasion de découvrir un pays et plus encore ses habitants, à travers les rencontres que nous aurons l'opportunité de faire sur place. C'est toujours un plaisir de découvrir une nouvelle culture, et c'est encore mieux de pouvoir être sur place et de rencontrer, d'échanger avec des "locaux".

Je suis aussi impatient de découvrir les histoires d'autres familles et d'en connaître plus sur cette partie de la deuxième guerre mondiale. Mes grands parents ne m'en ont que très peu parlé, j'espère en apprendre plus à travers les autres descendants de Justes. Je souhaite également en connaître plus sur la Shoah, vue du coté Israélien.

J'ai aussi un peu d'appréhension par rapport au conflit israélo-palestinien et la tension qui ne retombe jamais dans cette région. Également un peu peur d'une possible récupération politique de ce voyage. J'ai toutefois entièrement confiance dans le professionnalisme de la Fondation France-Israël pour que cela ne soit pas possible. »

 

 

Kim RATIER - 28 ans

Arrière petite-fille de Marianne et Albert BERAUD 

 

« Je suis l'arrière-petite fille d'Albert (1890-1973) et Marianne Béraud (1902-1994). Albert Béraud était comptable et gérant d'une entreprise de chaussures à Angoulême/Chabanais (entre la zone libre et la zone occupée) en Charente. Il était également un "poilu" de la Première Guerre Mondiale qui a donné beaucoup de sa personne (un œil et un rein perdus dans les tranchées). Marianne était son épouse, très lettrée qui élevait leurs cinq enfants.

Mes arrières grands-parents, mais aussi ma grand-mère, son frère et ses sœurs (Alain était encore bébé à ce moment -là) ont fait très attention lorsqu'ils ont accueilli Mina et Nelee car leur voisin direct était un collaborationniste notoire. Ma grand-mère échangeait beaucoup avec Nelee et Mina qui étaient comme ses sœurs, notamment sur ce que l'on ne devait faire ou ne pas faire à l'école catholique afin de ne pas éveiller les soupçons. Un beau jour, lors d'un cours de catéchisme, Mina fit le signe de croix à l'envers, stupeur chez Nelee, ma grand-mère et ses sœurs... allaient-elles être découvertes? La bonne sœur ne releva finalement pas ce geste et leur expliquera plus tard de faire très attention.

Autre élément notable, la ville de Chabanais (dont mon arrière grand-père sera maire fin 1944) sera brûlée en aout 1944 par les nazis déjà auteurs d'un terrible massacre dans la ville voisine d'Oradour sur Glane, Mina, Nelee et les autres membres de la famille Béraud s'enfuiront dans un village voisin afin d'éviter les combats durant lesquels mon arrière grand-père sera durement blessé.
 


Je me suis renseignée auprès de ma grand-mère concernant l'arrivée de Mina et Nelee au sein de la famille, il se trouve qu'aucune explication n'a été fournie, par ailleurs, elles avaient sensiblement le même âge que les enfants Béraud (Colette et Mina sont nées la même année). De plus, je sais que mon arrière grand-père a pu franchir la ligne de démarcation en août 42, en faisant passer Mina et Nelee pour ses filles. Pour l’anecdote il a même donné à l'officier allemand une boîte contenant des chaussures provenant de son usine. Les filles sont restées quelques mois à Chabanais où elles ont été scolarisées avec ma grand-mère et ses frères et sœurs.

 

A priori l'enseignante était dans la confidence. Les filles rejoindront plus tard leurs parents du côté de Limoges avant de revenir vivre à Chabanais les premiers mois de 1944 chez mes arrières grands-parents. Le domicile des Béraud a aussi permis aux Maquisards de s'organiser.

J'ai découvert l'histoire de mes ancêtres d'une part grâce à ces faits de Résistance racontés par mes parents et ma grand-mère (une photo avec le Général De Gaulle datée de 1944 était présente chez ma grand-mère et mon arrière grand-mère), mais également parce que j'ai connue mon arrière grand-mère qui me disait qu'elle et notre arrière grand-père avaient "caché" des petites filles juives durant la guerre, sans en dire plus... D'une manière générale, mon arrière grand-mère (déjà très âgée, je suis née en 1982, elle est décédée en 1994) parlait finalement peu de la guerre sauf pour fustiger les " faux résistants" comme l'ancien président de la République François Mitterrand. En vieillissant, mon frère ainé, mon cousin et moi-même lui posions quand même quelques questions car nous savions qu'elle et notre arrière grand-père avaient fait quelque chose de courageux: résister à la barbarie nazie et protéger des petites filles menacées. Quelques réponses ont été apportées quand, au soir de sa vie, mon arrière grand-mère se décida d'écrire ses mémoires dans lesquelles elle parle justement des petites filles ayant vécu avec elle, son mari, et ses enfants à Chabanais. Elle est malheureusement décédée trop tôt sans avoir pu apporter toutes les réponses que nous souhaitions.

Mais les choses se sont vraiment accélérées en 1998 suite aux recherches de Nelee et Mina Rainès-Lambé, les deux petites filles accueillies durant la guerre ("tombées du ciel" comme le dit ma grande-tante Françoise). Grâce à un travail minutieux et de longue haleine depuis les USA où elles ont émigré, Nelee et Mina ont pu reprendre contact en 1998 avec ceux qu'elles avaient côtoyé 54 ans avant, c'est à dire les enfants Béraud: Claude (celui qu'elles ont retrouvé en premier), Geneviève (ma grand-mère), Colette, Françoise et Alain. Grâce à elles et à leur action, mes arrières grands-parents ont reçu de manière posthume la médaille des Justes de la part de Yad-Vashem en 2008. Mon arrière grand-mère ("Mamie Béraud") et mon arrière grand-père ("Pépé Béraud") auraient aimé et apprécié cette distinction.

Ma famille c'est à dire ma grand-mère, mes grands-oncles et mes grandes tantes ont pu rencontrer Nelee et Mina, en 1998, pour les "retrouvailles" 50 ans après. Ils se sont également revus en 2003 et en 2007. Nelee a eu deux enfants : Debra et Jennifer qui lui ont donné deux petites filles. Mina a épousé Mr Parsont. D'après ce que je sais, ils vivent tous aux USA.

Malheureusement Nelee Raines-Lambé devenue Nelee Langmuir (car elle avait épousé Gavin Langmuir, fondateur du programme d'études juives de l'Université de Stanford et du programme d'études médiévales) nous a quitté le 11 août 2010 des suites d'une longue maladie. Nous devons rencontrer la famille de Nelee et de Mina, le 26 juin 2011 lors d'une commémoration à Chabanais. »  

 

Que représente ce voyage en Israël pour vous?

« En ce qui concerne le voyage en Israël, je suis à la fois très intimidée par l'enjeu d'un tel voyage mais en même temps très impatiente de découvrir les lieux saints de Jérusalem, le Mémorial de Yad-Vashem en souvenir des victimes juives des nazis ainsi que le Mur des Justes mais également de voir les lieux où s'exercent la démocratie libre et pluraliste d'Israël comme la Knesset. J'espère pouvoir mieux connaître l'histoire des "Justes parmi les Nations", ces héros souvent anonymes en France qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Guerre mais également me recueillir lors de ce moment particulier pour Israël qu'est Yom’A Shoah, jour du souvenir des victimes du génocide des Juifs .C'est un privilège pour moi d'honorer de cette manière la mémoire de mes arrières grands-parents et de faire ainsi résonner en moi cet acte de générosité. »

 

Lucile ROMILLON

« Je suis descendante de Juste parmi les nations par mon grand père Eusébie Llinares, je suis donc sa petite fille, la dernière des petits enfants et je n'en suis pas peu fière ! 

Je ne me souviens plus très bien comment j'ai appris que mon grand père avait hébergé Adolphe, je crois que je le sais depuis ma toute petite enfance, il me parle souvent, très souvent de la guerre et d'Adolphe. Ce n'est pas un sujet tabou pour lui, je pense que c'était normal pour lui et ma grand mère, cependant le fait de devoir aller sur le front en Normandie l'a traumatisé bien qu'il ait su en tirer des anecdotes plutôt marrantes comme le fait qu'il échangeait sa ration de cigarettes contre de l'huile d'olive car il ne buvait et ne fumait pas !  

Mon grand père est toujours en vie, il a aujourd'hui 91 ans tout comme ma grand mère, ils sont âgés.


 Adolphe et sa femme Mary sont très proches de mes grands parents.

Je me souviens d'eux quand j'étais toute petite, ils essayaient de venir chaque été pour leur rendre visite et passer du bon temps. Je préparais des pâtes maisons avec Mary et aussi des petits gâteaux en formes de demi-lune. Ils sont eux aussi toujours en vie et vivent à Bruxelles avec leur fils que je n'ai jamais rencontré mais j'ai rencontré leur petite fille Muriel. Leur fille, Nicole Zadek Kaplan, vit en Israël avec son mari et leurs quatre garçons. Je les ai rencontrés lors de la remise de la médaille des Justes et nous avons gardé contact.

 

L’histoire de mon grand-père commence en plein cœur de l'occupation. Adolphe Zadek, fils d'un tailleur de Bruxelles, juif ashkénaze, qui ne revint hélas jamais des camps de la mort où il fut déporté avec sa femme et le cadet de leurs quatre enfants, Adolphe fut longtemps sous la protection du Secours suisse, puis d'un secourable agriculteur de Chambon-sur-Lignon (le village dans son intégralité a reçu le titre de Juste, le seul avec une commune néerlandaise), qui, par crainte d'être dénoncé renonça à le protéger, dès qu'il fut sortit de l'adolescence.

Évacué vers le mas de Coste à Cannes et Clairan dans le Gard, sous les conseils de la famille de ma grand-mère Fanny Llinares (de son nom de jeune fille Mandon), celle-ci militant aux côtés du Secours suisse, Adolphe passa une année en compagnie de mes grands parents (automne 44 à automne 45). Ils venaient de se marier et de s'établir régisseurs du Mas de Coste. 

 

Le patron (Émile Costes) de mon grand père et le maire du village (Marc Poussielgue) étaient au courant de la situation d'Adolphe, c'étaient des personnes de confiance selon mes grands parents. Ils le faisaient donc passer pour le neveu de Haute-Loire (Adolphe était fluet et faisait bien plus jeune que son âge).

Pendant son séjour, Adolphe participait aux tâches quotidiennes (travail de la vigne, quelques travaux d'entretien et il soignait surtout les chevaux), le dimanche il allait au temple avec ma grand mère comme si de rien n'était, et ce pendant une année. 

 

 Adolphe a retrouvé la trace de mes grands parents (Fanny et Eusébi Llinares) en 2001, après des années de recherches. C'est lors d'un séjour en Espagne où il raconta son histoire à Denise Brull (Montpelliéraine) qui rassembla tous ses souvenirs jusqu'à remonter au Mas de Coste, puis à mes grands-parents, via Vincent Coste (producteur de vin bio dans les Costières de Nîmes).

Les seuls souvenirs d'Adolphe étaient: une propriété viticole et deux chevaux : un blanc, Sultan et l'autre roux, César.

Adolphe et mes grands parents se sont donc retrouvés le 11 septembre 2001 en Gare de Nîmes qui était d'ailleurs cernée par les forces de l'ordre en raison de l’attentat des deux tours jumelles.

Mes grands parents ont donc reçu la noble récompense de Justes parmi les nations de leur vivant, l'an dernier. »

 

Que représente ce voyage en Israël pour vous?

 « Rencontrer toute la famille d’Adolphe lors de la remise du titre de Juste parmi les nations à mes grands-parents fut émouvant. C'est pour cela que partir en Israël représente énormément pour moi. A travers un voyage j'ai la possibilité de perpétuer l'histoire de nos deux familles en liant des liens plus forts avec eux, c'est une chance inouïe que je dois à mes grands parents, à Adolphe, Mary, à toute leur famille et aux associations qui sont là pour nous permettre de ne pas oublier nos racines et notre passé. »

 

 

 

Lucien STOLZE - 19 ans

Petit-fils de Simone COQUÉ-STOLZE 

 

« Née en 1914 dans un petit village lorrain au sein d'une famille de paysans, destinée par ses parents à devenir paysanne elle-même, ma grand-mère s'est révélée très bonne élève à l'école (première fille du canton à obtenir le certificat d'études). Sa persévérance et son opiniâtreté finissent par convaincre ses parents de la laisser aller poursuivre des études de puéricultrice puis d'infirmière à Metz.

A la déclaration de guerre, elle est infirmière à l'hôpital militaire de Metz, ville qu'elle quittera quelques jours après l'invasion allemande. La voilà infirmière au grand hôpital de Lyon. Mais elle veut poursuivre des études et entre en septembre 41 à l'école d'assistantes de service social, toujours à Lyon.

 

Son diplôme en poche, elle sollicite un poste à Limoges (ses parents et son frère ont été expulsés dans les environs), mais cela ne peut se faire et elle commence son nouveau travail à Lyon. C'est là qu'en novembre 42 elle est approchée par une autre assistante sociale qui lui parle des enfants juifs et des rafles. Elle accepte immédiatement de participer à un réseau d'aide.

 

C'est ainsi qu'elle est présentée à Georges Garel (futur président de l'O.S.E.).
Pour Georges Garel, ma grand-mère est une recrue de choix : célibataire, ancienne infirmière ayant une solide expérience, expulsée et détestant Pétain autant que les nazis, catholique fervente. Le premier travail qu'il lui confie sera de placer des enfants dans des familles d'accueil dans la région lyonnaise. 

Au printemps 43, ma grand-mère obtient sa mutation à Limoges. Elle y assurera des convoyages d'enfants de Limoges à Annemasse. Elle continuera également à placer des enfants, cette fois dans le département de la Haute-Vienne, et à assurer leur suivi, mais elle va aussi jouer le rôle d'intermédiaire entre Georges Garel et les responsables départementaux et régionaux du réseau.

 

Elle sera ainsi amenée à transporter et répartir de fortes sommes d'argent et, bien entendu, des instructions. Elle se déplace beaucoup: Poitiers, Périgueux, Bergerac, Tulle, Brive-la-Gaillarde, Ussel, Rochechouart, puis Toulouse, le Puy-en-Velay, Cahors, Tarbes, Montpellier, etc.
Début 44, ma grand-mère se voit confier la responsabilité du département de l'Aveyron tout en continuant son travail de liaison et de transport de fonds pour le Centre et le Sud-Ouest. C'est au cours de cette nouvelle mission qu'elle va faire la connaissance d'un jeune garçon, caché à l'orphelinat de Grèzes, et qui se désespère.

 

Le petit Salomon Jassy faisait parti des enfants accueillis dans un premier temps au château de Chabannes et soudainement dispersés une nuit de l'automne 43. Il a vécu la séparation d'avec sa soeur comme un véritable déchirement. Sans nouvelles de ses parents (il ignore que son père a été déporté à Auschwitz), l'enfant se laisse dépérir. Les contacts que grand-ma mère va nouer avec lui, l'affection qu'elle va lui apporter tout au long de ses visites, vont redonner espoir et goût de la vie au petit Salomon.

 

C'est lui qui, bien des années plus tard, se mettra à la recherche de celle qu'il appelait sa "deuxième maman" et qu'il retrouvera en juin 2003, peu de temps avant qu'elle ne décède.

 

 Que représente ce voyage en Israël pour vous?
« Tout d'abord, je n'ai découvert l'histoire de ma grand-mère que très récemment suite à la décoration qu'elle reçut. Nous n'en avons jamais beaucoup parlé dans ma famille avant cet évènement.


Depuis ma visite, il y a quelques années, de ce qu'il reste du camp de concentration d'Auschwitz, je suis pourtant très sensibilisé à ce sujet.

 

Ce voyage est une chance d'en savoir plus sur ce qu'elle a accompli, de découvrir d'autres témoignages. C'est également un honneur pour moi de participer à cette commémoration en y allant pour elle et en la représentant, en quelque sorte. Il est important que l'on garde en mémoire que des personnes aient eu le courage et la force de dire non à la barbarie en agissant malgré le risque encouru. Le fait que la Fondation France Israël ait invité les petits enfants de Justes est donc, pour moi, une excellente façon de faire perdurer ce message de génération en génération.
J'ai également conscience que peu de gens ont l'occasion de vivre un tel moment et que j'en apprendrai beaucoup.

 

Je suis heureux et fier de pouvoir participer à cet évènement. »